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Droits de douane. Le marché suisse montre peu d’appétit pour la viande américaine

Pour obtenir une réduction des droits de douane américains de 39% à 15%, la Suisse a dû faire des concessions aux États-Unis, notamment en matière d’importation de viande américaine. Le marché suisse court toutefois un risque minime d’être envahi de bœuf aux hormones et de poulet traité au chlore, estiment les experts.

La Suisse pouvant satisfaire 80% de la demande avec la production indigène, les produits carnés américains suscitent peu d’intérêt parmi les acteurs du marché. iStock

ATS / AWP

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Aujourd’hui à 11:48

Temps de lecture : 4 min

Dans le cadre du nouvel accord douanier, les contingents de viande de bœuf (jusqu’à 500 tonnes), de viande de bison (max. 1000 tonnes) et de volaille (max. 1500 tonnes) en provenance des États-Unis, seront exonérés de droits de douane en Suisse. Les associations de protection des consommateurs et les représentants du monde agricole craignent désormais l’arrivée en Suisse de viande de bœuf contenant des hormones de croissance et des antibiotiques ainsi que de poulet traité au chlore, une pratique autorisée outre-Atlantique pour décontaminer la volaille.

Contrairement à l’Union européenne, la Suisse autorise l’importation de viande aux hormones mais sous condition d’une mention sur l’étiquette, selon les directives de l’Ordonnance agricole sur la déclaration. Quant au poulet traité au chlore, il est interdit en Suisse. La secrétaire d’État à l’économie Helene Budliger Artieda a toutefois déclaré à Bloomberg «qu’un assouplissement de cette restriction pourrait être envisagé ultérieurement». L’organisation alémanique Konsumentenschutz exige dans tous les cas un étiquetage ou une déclaration clairs dans les magasins et les restaurants.

Pour la Fédération romande des consommateurs (FRC), un tel étiquetage, même s’il est nécessaire, s’avère dans la pratique une mesure trop faible, particulièrement pour les repas à l’extérieur. «Vous avez souvent vu un restaurant ou un take-away indiquer qu’il s’agit par exemple d’une viande aux hormones? Or, ce type de viande serait principalement écoulé par cette filière, qui représente la moitié des repas mangés. Par conséquent les standards de qualité baisseront», redoute Sophie Michaud Gigon, secrétaire générale de la FRC et conseillère nationale Verte vaudoise.

Signalement important

Tandis que l’organisation paysanne indépendante Uniterre rejette catégoriquement l’importation de poulets et de bœufs américains, l’Union suisse des paysans (USP) réclame «qu’une viande produite avec des hormones ou susceptible de l’avoir été, continue impérativement d’être indiquée sur l’étiquette». «Quant au poulet traité avec du chlore, le procédé est interdit en Suisse et doit le rester, ou à tout le moins être clairement déclaré», insiste Michel Darbellay, directeur adjoint de l’USP. Ce dernier craint de surcroît une pression sur le marché, si l’offre devait dépasser la demande. «Nous demandons par conséquent à limiter les impacts sur la production suisse et à ce que les préférences douanières accordées soient comptabilisées dans le contingent OMC», souligne-t-il. Actuellement, ce contingent porte sur 23 000 tonnes de viande rouge et plus de 42 000 tonnes de volaille importées à un taux réduit.

Le commerce de détail et la restauration restent libres d’acheter de la viande en provenance des États-Unis, précise le Secrétariat d’État à l’économie (Seco). Cependant, ces produits carnés américains suscitent peu d’intérêt parmi les acteurs du marché, d’abord parce que la Suisse peut satisfaire 80% de la demande avec une production indigène. «Nous avons toujours importé de la viande de bœuf des États-Unis mais toujours en petite quantité. La quantité proposée dans le nouvel accord douanier dépasse de très peu la quantité actuelle et n’a donc pas de grand impact sur la production nationale et les prix», assure un porte-parole de Proviande, l’interprofession de la filière de la viande. En outre, l’organisation ne croit pas que les consommateurs suisses accepteront en grande quantité ce type de viande, «chère et contenant des hormones».

La viande suisse privilégiée

La grande distribution continuera d’accorder la priorité à la viande suisse. «Ce n’est que lorsque les matières premières suisses ne sont pas disponibles en quantité ou en qualité suffisante que nous avons recours à des importations», explique un porte-parole de Coop. La viande importée ne joue également qu’un rôle très marginal chez Migros. «Notre assortiment de viande provient en très grande majorité de Suisse: 99% pour le porc, 92% pour le bœuf, plus de 99% pour le veau et 86% pour le poulet. Concernant le bœuf, la demande de nos clients pour des morceaux spécifiques comme le filet, la noix et l’entrecôte est si élevée que nous devons importer certains morceaux, principalement des pays voisins, et non du Mercosur ou des États-Unis», détaille un porte-parole du géant orange.

Quant au poulet frais, il vient à 86% de Suisse, les 14% restants de Hongrie et de France, mais «en conformité avec les normes de protection des animaux en Suisse». «La viande brésilienne est utilisée uniquement dans des produits transformés, comme les nuggets de poulet», précise encore le porte-parole de Migros. Le discounter Aldi affirme également privilégier la viande suisse, «dans la mesure du possible».