Martin Pidoux, directeur de Prométerre, m.pidoux@prometerre.ch
Aujourd’hui à 00:00
Début avril, le président américain annonçait, à grand bruit et en piétinant les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), les nouveaux tarifs douaniers en vigueur aux États-Unis. La Suisse, qui espérait être traitée avec une certaine clémence, a déchanté en découvrant qu’elle serait relativement mal lotie dans ce nouvel ordre commercial mondial avec des droits de douane moyens de 31%.
Sans que personne soit réellement capable de comprendre le schéma de calcul de l’administration américaine pour fixer ce nouveau taux, la motivation principale semble résider dans la balance commerciale américano-suisse largement déficitaire pour les USA. En d’autres termes, la valeur de nos exportations vers les USA dépasse largement celle des importations des USA vers la Suisse. Cette situation pose un problème au président Trump qui souhaite «mak (ing) America great again» en relocalisant massivement la production.
Quelques jours plus tard, Donald Trump est revenu sur sa décision en fixant le nouveau tarif douanier à 10%, donnant ainsi temporairement un peu d’air au commerce international et aux milieux économiques suisses qui étaient en état de choc. À la suite de ces événements, notre présidente, Karin Keller-Sutter, et Guy Parmelin se sont rendus aux USA pour plaider la cause de la Suisse. Ils ont pu s’entretenir avec le ministre des finances, Scott Bessent. Le résultat des échanges? Les USA seraient intéressés à ouvrir des négociations avec la Suisse en vue d’un accord de libre-échange et placent la Suisse sur la liste des «15 meilleurs pays». Ils nous ont likés sur Diplomatictinder. Précisons que cette rencontre est attendue avec appréhension, car notre pays a beaucoup à perdre.
L’agriculture helvétique est aussi concernée par la situation. Il y a un certain risque que les droits de douane agricoles soient utilisés comme monnaie d’échange dans le cadre d’éventuelles négociations avec les USA. D’ailleurs, certains n’ont pas hésité à proposer d’ouvrir le marché agricole suisse dès le lendemain de l’annonce de Trump. Que les choses soient dites: il n’en est pas question! Cela ne résoudrait pas le problème de la balance commerciale, mais affaiblirait notre production indigène, sans parler des conséquences négatives pour la transition vers une alimentation saine et locale.
Face à l’incertitude actuelle, nous avons particulièrement besoin de deux choses. La première: faire preuve d’une cohésion sociale indéfectible. Nous devons absolument éviter de fracturer notre économie et la société pour satisfaire aux attentes imprévisibles d’un partenaire sur lequel nous ne pouvons que difficilement compter. La seconde: continuer à œuvrer pour la voie multilatérale. Pour un petit pays comme la Suisse, celle-ci demeure la meilleure manière d’exister face à des géants comme les USA ou la Chine. Cela vaut aussi pour l’agriculture qui, par le passé, a parfois été trop encline à critiquer l’OMC. Nous découvrons aujourd’hui le revers de la médaille: si cette institution est affaiblie, on revient à la loi du plus fort!