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Vitiviniculture

Vendanges. Un millésime «remarquable», mais plombé par la crise du vin suisse

Le cœur des vignerons suisses balance en cette période de vendanges. L’absence d’événements climatiques extrêmes cet été réjouit le monde viticole qui table sur un millésime 2025 plein de promesses, mais cette touche d’optimisme se noie très rapidement dans l’inquiétude liée à la situation économique de la branche.

En 2024, 65,5% du vin bu en Suisse était du vin étranger.DR

ATS

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Aujourd’hui à 14:44

Temps de lecture : 4 min

«La qualité du raisin cette année est magnifique», déclare à Keystone-ATS François Montet, président de la Fédération vigneronne vaudoise. Si la qualité s’annonce au rendez-vous, la quantité sera un peu moins importante. «On a dû accélérer le début des vendanges à cause d’épisodes pluvieux qui faisaient peser un risque de pourriture, mais les baisses de quantités sur certains cépages ne sont pas significatives», rassure-t-il.

Grâce à l’absence de pluies diluviennes, de longues vagues de chaleur ou de maladies phytosanitaires cet été, ce millésime 2025 s’annonce équilibré, selon Rémy Alain Reymond. «Le taux de sucre du raisin est satisfaisant, les vins ne seront donc pas trop alcooleux. Quant à l’acidité, elle est un peu en dessous de la moyenne, mais cela reste correct», note le directeur l’Office de la viticulture neuchâteloise. C’est un vin équilibré, conclut-il.

Cheffe de l’Office de la vigne et du vin du Valais, Nadine Bridygarde un œil attentif sur certains cépages en particulier. «La petite arvine s’exprime toujours bien dans de tels millésimes, alors que les Cornalins, très peu productifs cette année, seront concentrés et expressifs», explique-t-elle.

Du raisin plein les bras

«Malgré la qualité du produit cette année, mon cœur balance à cause de la situation économique qui n’est pas réjouissante». Cette pensée de François Montet a une résonance importante au sein de la branche viti-vinicole. En cause: la population suisse a consommé 218,4 millions de litres de vin en 2024, contre 266 millions en 2014.

«On remarque un bruit de fond général où tout le monde se plaint. À Neuchâtel, nous n’avons pas encore eu de cas dramatiques heureusement», note Rémy Alain Reymond. Outre la baisse de la consommation, la branche doit aussi composer avec une concurrence étrangère toujours plus féroce. L’an dernier, 65,5% du vin bu en Suisse était du vin étranger.

Certains vignerons se retrouvent donc avec une grande partie de leurs récoltes sur les bras et peinent à l’écouler. Cette situation économique affecte toute la branche, explique le président de l’Union suisse des œnologues (USOE) Yan Van vlaenderen. «À l’époque, les grossistes venaient dans nos caves et faisaient une grande commande pour toute l’année. Maintenant, ils font plutôt des petites commandes toute l’année», détaille le Neuchâtelois.

«Pansements sur une jambe de bois»

Estimant qu’ils avaient fait tout ce qu’on leur demandait, notamment en termes de normes écologiques, les vignerons se sont tournés vers le Conseil fédéral pour demander de l’aide. VignobleSuisse, la fédération suisse des vignerons, et d’autres acteurs ont rencontré en août Guy Parmelin pour lui faire part de leurs doléances. «Le ministre est un contact privilégié pour nous», souligne la directrice de VignobleSuisse Hélène Noirjean.

Le groupe de travail a soumis plusieurs propositions allant d’une augmentation du budget de la promotion des vins suisses à une révision des règles d’importation pour favoriser la production indigène. «Cette situation est le résultat de 30 ans d’accords de libre-échange, en témoigne la signature du traité du Mercosur. La Suisse a eu raison de mener cette politique je pense, mais la viticulture a toujours été mise dans la corbeille de la mariée», soupire François Montet.

Si certains réclamaient des aides à fonds perdu pour les domaines, la Confédération a vite fait comprendre que ces dernières n’étaient pas à l’ordre du jour. «Sans minimiser la nécessité d’aides, elles sont des pansements sur une jambe de bois. Il faut une restructuration et une vision à plus long terme pour nos vignobles, sinon nous nous retrouverons dans la même situation dans quelques années», plaide Nadine Bridy.

Redimensionner ou pas?

Pour éviter de mettre la clé sous la porte, plusieurs vignerons songent à redimensionner leur domaine afin d’adapter leur production de raisin à la demande. «Ce n’est pas de l’abattement, c’est un constat froid. Certains collègues ne sont pas loin du point de bascule», alerte M. Montet.

L’idée est toutefois loin d’emballer Nadine Bridy. «Quand on voit que seulement 35,5% du vin consommé par la population est suisse, c’est là qu’il faut agir», explique la cheffe de l’Office de la vigne et du vin du Valais. Pour elle, il faut plutôt agir sur la concurrence «presque déloyale» des vins étrangers.

Un avis que partage Hélène Noirjean. «Nous souhaitons faire grimper à 40% la part de vin suisse annuel consommé par la population», souligne la directrice de VignobleSuisse.

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