Grands prédateurs. En Europe, le loup reste une «espèce protégée», mais moins qu’avant
Les eurodéputés ont entériné jeudi 8 mai le déclassement du statut du loup, qui sera désormais sur le territoire de l’UE une espèce «protégée» et non plus «strictement protégée». Une évolution dénoncée par des défenseurs de la biodiversité.
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ATS/AFP
Aujourd’hui à 14:06, mis à jour à 14:07
Le texte, transposant dans le droit européen les récentes modifications de la Convention de Berne sur la conservation de la vie sauvage, a été adopté en session plénière à Strasbourg, par 371 voix pour, 162 contre et 37 abstentions. La droite, l’extrême droite et les libéraux ont majoritairement voté pour, les écologistes et la gauche radicale s’y sont opposés tandis que les socialistes se sont montrés divisés.
«La dégradation de la protection du loup ignore les outils efficaces de coexistence et risque de transformer la protection de la nature en un jeu politique. Elle flatte la peur plutôt que les faits», a dénoncé l’élu allemand Sebastian Everding, au nom de la gauche radicale.
«Ignoré la science»
«Il n’y a pas de données justifiant un abaissement du niveau de protection, mais les institutions européennes ont choisi d’ignorer la science», a déclaré dans un communiqué Ilaria Di Silvestre, porte-parole du Fonds international pour le bien-être animal (IFAW). Concrètement, cette évolution législative dans l’Union européenne va faciliter les tirs et l’abattage de loups dans les régions rurales et montagneuses où la proximité de l’animal avec bétail et chiens de troupeau est jugée trop menaçante. «Les États membres resteront responsables des plans de gestion du loup, mais disposeront de davantage de souplesse qu’aujourd’hui, j’espère que cela va faciliter la coexistence», a déclaré Herbert Dorfmann, eurodéputé italien de droite (PPE), en conférence de presse.
Le PPE, premier groupe du Parlement et famille politique de la présidente de la Commission Ursula von der Leyen, est à l’initiative sur ce sujet. Ce parti a présenté le texte soumis à la plénière comme l’aboutissement d’un travail de trois ans, né du constat d'«une augmentation des conflits entre loups et éleveurs».
«Menace permanente»
Depuis la directive de 1992 interdisant leur élimination, la population de loups est en hausse sur le continent européen, au point d’atteindre les 20 300 individus recensés dans l’UE en 2023. Cette année-là, Ursula von der Leyen était montée au créneau pour dénoncer le «réel danger» que constituent les meutes de loups pour le bétail dans certaines régions. La responsable allemande a elle-même subi la perte d’un vieux poney, tué en septembre 2022 dans la propriété familiale du nord de l’Allemagne après qu’un loup s’est introduit dans son enclos. Il n’y a pas encore eu de drame humain à cause du loup, mais des éleveurs et leurs familles ont peur, ont insisté mercredi des élus de droite.
«Plus de 60 000 animaux d’élevage sont attaqués chaque année dans l’UE», a appuyé l’Espagnole Esther Herranz Garcia, qui a négocié le texte pour le PPE. «Ceux qui nourrissent notre pays ne peuvent continuer à travailler avec cette menace permanente», a fait valoir Valérie Deloge, élue française d’extrême droite se proclamant «députée et éleveuse». Associés à la démarche, selon la procédure dite du «vote accéléré», sans débat préalable dans l’hémicycle, les socialistes et les centristes ont voulu dédramatiser. «On ne délivre pas un permis de tuer, on donne plus de latitude pour des dérogations locales, le loup reste une espèce protégée», a souligné auprès de l’AFP l’ancien ministre français Pascal Canfin, eurodéputé centriste.