26 septembre 2025 à 00:00, mis à jour à 00:00
Face aux 39% de taxes douanières imposées à la Suisse par les États-Unis, le Conseil fédéral fait preuve d’une singulière bienveillance à l’égard du président Trump. Voyez-vous, notre Gouvernement, pour amadouer l’ogre ricain, est prêt à lui envoyer un «poulet». À savoir un billet doux et galant qui de la littérature classique du XVIIe siècle a vu son usage évoluer vers le sens plus ironique de «requête obséquieuse». Voilà nos Sept Sages très inspirés pour glisser ce «poulet» dans le projet d’accord avec la Maison Blanche. Quelques mots d’allégeance visant à faire mouche parmi une multitude de propositions et à toucher le cœur de sa Seigneurie Donald: ainsi la Suisse pourrait envisager de lever les mesures qui interdisent, à ce jour, l’importation de poulets chlorés «made in USA».
Une offre de «poule mouillée» ou de «poule de luxe», chacun tranchera, dans l’aile ou la cuisse qu’importe, ce poulet désinfecté au cocktail hygiénique de chlorure de sodium acidifié, de phosphate trisodique et d’acides peroxycarboxyliques pourrait bien se retrouver sur la table des négociations. De quoi mettre en appétit nos amis d’outre-Atlantique, affamés de concessions sur les marchés du grand bazar international. Et avec son petit «poulet», le Conseil fédéral place délicatement sur l’autel des sacrifices ce que ces «bastards» d’Européens continuent de refuser avec outrecuidance au président américain. Quelle aubaine!
Vue d’ici, la stratégie de notre Gouvernement donne plutôt la chair de poule. Après le bœuf et le vin dans le cadre des accords avec le Mercosur, le Conseil fédéral récidive en faisant de l’agriculture une monnaie d’échange facile. Alors que la Suisse impose à la production agricole indigène les normes les plus sévères au monde en matière de bien-être animal, elle serait prête à tolérer désormais la vente de poulets issus d’élevages intensifs industriels, dépassant en moyenne le demi-million de têtes de volaille par exploitation. Qualité bradée à l’aune de prix cassés, les «chickens» de l’Oncle Sam feront immanquablement pression sur les poulets à croix blanche s’ils débarquent sur nos étals.
Argumenter que de toute façon les consommateurs n’en voudront pas, que les quantités seront limitées et que le poulet indigène ne couvre qu’environ 60% des besoins sonne comme un affront fait aux agriculteurs et citoyens de notre pays. Lesquels ont tout sauf envie d’être les dindons de la farce. Faut-il rappeler que le marché du poulet de chair suisse est un secteur en expansion offrant des perspectives intéressantes à bon nombre d’exploitations? Au nom d’une future politique agricole et alimentaire visant à renforcer le positionnement de la production locale, il est temps que nos Autorités fédérales cessent de bafouer nos exigences de durabilité dès qu’elles tombent sur un os!