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Politique agricole

Union européenne. Bruxelles propose d’alléger les règles de la PAC

Jachères, haies, rotation des cultures, petites exploitations: Bruxelles propose vendredi des révisions législatives pour alléger drastiquement les règles environnementales de la Politique agricole commune (PAC) contestées par le secteur à travers l’UE.

Photo IStock

ATS

ATS

18 mars 2024 à 09:19

Temps de lecture : 6 min

La nouvelle PAC (2023-2027), entrée en vigueur l’an dernier, impose aux agriculteurs de respecter une série de critères environnementaux stricts pour toucher des paiements européens. Les propositions visent à assouplir ces critères, voire à en supprimer certains, au grand dam des ONG écologistes.

États membres et eurodéputés devraient examiner ces propositions rapidement en vue de les entériner potentiellement d’ici fin avril.

«L’objectif est d’alléger davantage la charge administrative, de donner aux agriculteurs comme aux États une plus grande flexibilité pour se conformer à certaines conditions, sans réduire le niveau global d’ambition environnementale», a affirmé la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen.

«Il sera possible d’appliquer certaines normes de manière plus compatible avec les réalités qu’affrontent les agriculteurs au quotidien sur le terrain», a-t-elle insisté, après un entretien vendredi 15 mars avec le Premier ministre polonais Donald Tusk.

Obligation de jachères

Ainsi, les exploitations doivent actuellement laisser au moins 4% des terres arables en jachères ou surfaces non-productives (haies, bosquets, mares, etc.). Un critère devenu un épouvantail pour les agriculteurs manifestant dans l’UE.

Après avoir accordé une suspension temporaire pour 2023 puis 2024, Bruxelles propose de supprimer complètement l’obligation dans la législation, ne laissant plus que l’interdiction de tailler les haies pendant les périodes de nidification.

«Il était vraiment difficile pour les agriculteurs d’accepter» ces obligations de jachères, mais «ils pourront toujours choisir de le faire sur une base volontaire» en échange de primes («éco-régimes»), a expliqué à l’AFP le commissaire à l’Agriculture, Janusz Wojciechowski.

«En pratique, les agriculteurs seraient encouragés à maintenir des zones non productives, mais sans craindre une perte de revenus s’ils ne peuvent pas le faire», a précisé Ursula von der Leyen.

Rétroactivité

Parmi les «conditionnalités» fustigées par les organisations agricoles qui les jugent impraticables face aux aléas climatiques et aux difficultés économiques: l’obligation de rotation des cultures, avec une culture différente de l’année précédente sur 35% des terres arables. Elle pourrait être remplacée par une simple «diversification».

Pour l’interdiction de sols nus durant les périodes sensibles, «l’idée serait que ces périodes ne soient pas rigides, que l’État puisse les définir de manière flexible en tenant compte des différences régionales», a souligné Janusz Wojciechowski.

«La plupart des changements entreraient en vigueur en 2025, mais en s’appliquant rétroactivement au 1er janvier 2024. Les agriculteurs ne seraient pas sanctionnés pour ne pas avoir respecté ces conditionnalités» cette année, a-t-il insisté.

Autre changement majeur: la Commission propose d’exempter des contrôles et pénalités liés aux conditions environnementales les petites exploitations de moins de 10 hectares - qui représentent 65% des bénéficiaires de la PAC, mais ne couvrent que 9,6% des surfaces.

«Scandaleux»

Enfin, les États ne seraient plus obligés de modifier leurs plans «stratégiques» nationaux d’application de la PAC en fonction de l’évolution des législations environnementales et climatiques de l’UE, a confié le commissaire.

L’exécutif européen avait par ailleurs évoqué fin février une tolérance en cas «de force majeure» (épidémie, épisodes climatiques extrêmes) empêchant un agriculteur de respecter les exigences de la PAC, afin qu’il n’encoure pas de pénalités.

«Il est scandaleux de vouloir procéder à des affaiblissements législatifs de la PAC dans le cadre d’une procédure accélérée sans étude d’impact, sous couvert de simplification administrative», compromettant «la nécessaire adaptation au changement climatique», a réagi l’eurodéputé Vert Martin Haüsling.

Les ONG environnementales dénoncent un démantèlement «électoraliste» de l’architecture verte de la PAC, sans garantie de désamorcer le malaise agricole. «Abandonner aveuglément les mesures environnementales n’apaisera pas les agriculteurs qui souffrent de prix injustes et de l’urgence climatique, avec des besoins de viabilité à long terme», fait valoir Anu Suono du WWF.

Des inquiétudes balayées par Bruxelles: «cette évolution n’affaiblira en rien l’aspect environnemental, on obtient plus de résultats avec des encouragements et des primes, qu’avec des contraintes» et pénalités, estime Janusz Wojciechowski, appelant à «prendre les agriculteurs au sérieux».

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