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Mécanisation

Tracteur autonome. Un robot autonome dans les champs

Beat Mathys, aujourd’hui à la tête d’une exploitation diversifiée à Cressier (FR), est le premier en Suisse à utiliser un robot autonome pour ses travaux dans les champs.

Beat Mathys devant son robot autonome.Paysannes et paysans suisses

Pascale Bieri, Agir

Pascale Bieri, Agir

Aujourd’hui à 00:00

Temps de lecture : 3 min

Assis à la table de la cuisine devant une tasse de café, Beat Mathys consulte son smartphone. Depuis une application dédiée, il suit en temps réel les déplacements d’un robot autonome en train de semer du blé dans l’un de ses champs à Cressier (FR). Précurseur en Suisse, l’agriculteur a acquis en 2023 l’AgBot T2, une machine autonome sur chenilles de la marque hollandaise AgXeed, qui remplace à la fois tracteur et conducteur.

Ce robot, avec ses airs de tank, étonne souvent les promeneurs en se déplaçant seul dans les champs. Il permet d’optimiser le travail même la nuit ou par mauvais temps, tout en réduisant le tassement des sols grâce à son poids plus léger qu’un tracteur classique.

Pallier un problème de conduite

La passion et la curiosité sont des moteurs importants pour Beat Mathys, tout comme les nouveaux challenges. C’est d’ailleurs ce qui l’a amené à acquérir ce robot autonome, il y a un peu plus d’un an. «Je l’ai découvert lors d’une démonstration, j’ai tout de suite été intéressé. J’hésitais à ce moment à acheter un nouveau tracteur, mais comme j’ai une maladie des yeux et que ma vue ne me permet plus de conduire un tel véhicule, c’était une solution idéale.»

Cette machine polyvalente peut à peu près tout faire: semer, broyer les chaumes ou décompacter. Et même le labour. Grâce à la robotisation, il transfère les tâches répétitives et à faible valeur ajoutée à la machine et consacre ce temps à des missions plus stratégiques. Il inspecte également systématiquement ses champs avant chaque intervention du robot.

Suivi depuis le smartphone

Concrètement, le terrain où travaille l’AgBot T2 doit d’abord être délimité à l’aide d’une canne de géomètre, afin de créer une barrière virtuelle, comme on le ferait pour un robot tondeuse. Les données sont ensuite envoyées dans un programme informatique, de même que différents paramètres: la tâche à accomplir, l’endroit précis où le robot doit démarrer puis finir son travail, ou encore la vitesse de déplacement. «Une fois que tout est planifié, je peux suivre exactement ce que fait la machine depuis mon smartphone», confie Beat Mathys.

Sur place, le robot peut aussi être activé manuellement grâce à une télécommande de type manette PlayStation. Quant aux ratés, il y en a eu quelques-uns, notamment lorsque les capteurs réagissaient à des champs de maïs voisins et que les dispositifs de sécurité arrêtaient la machine par erreur. «Mais aujourd’hui, c’est réglé», dit-il en souriant.

Beat Mathys a également modernisé son étable. L’agriculteur compte augmenter sa production de lait. De 400 000 kg par an jusqu’à l’année dernière, cette dernière passera à 550 000 kg les prochaines années, avec le même nombre d’animaux. Cette hausse est possible grâce aux technologies intégrées à l’exploitation, mais aussi parce que ses vaches bénéficient aujourd’hui de meilleures conditions de vie. Auparavant à l’attache, elles évoluent désormais dans une étable informatisée: traite automatique avec désinfection intégrée contre les mammites, nourrissage automatisé via distributeur sur rail, contrôle précis de la gestation, ou encore robot nettoyeur des sols.

Qualité de vie améliorée

Avec toute cette technologie, Beat Mathys est-il devenu un paysan de salon? «Presque», sourit-il. L’automatisation a permis d’améliorer considérablement la qualité de vie sur son exploitation. «Avant, mes journées débutaient à 5 h du matin. Aujourd’hui, je commence à 6 h, et mes employés à 7 h 30», précise-t-il.

Cette évolution permet également à chacun de profiter des soirées et d’avoir des week-ends, un changement appréciable dans le métier. Récemment, il est même parti en vacances en Égypte, tout en pouvant contrôler à distance que tout allait bien dans l’étable grâce à son smartphone.

Si la robotisation diminue effectivement les besoins en main-d’œuvre et aide à pallier la difficulté de recruter du personnel, elle ne fait pas disparaître l’humain pour autant. Beat Mathys travaille toujours avec un employé fixe et un apprenti, et il engage sept saisonniers pour la récolte des pommes de terre.

Un domaine bien diversifié

Le domaine de la famille Mathys est passé de 13 hectares en 1980 à 87 hectares aujourd’hui.
Le domaine de la famille Mathys est passé de 13 hectares en 1980 à 87 hectares aujourd’hui.Paysannes et paysans suisses

Beat Mathys, 54 ans, n’a pas toujours été agriculteur. Il a commencé sa vie professionnelle comme chauffeur-livreur avant de s’associer à son père à la tête de l’exploitation familiale en 1995. «Je suis revenu à la ferme parce que j’avais envie d’indépendance, de changement, d’évolution», dit-il. Il suit alors l’école d’agriculture de Grangeneuve, puis obtient sa maîtrise, avant de reprendre la ferme à son nom en 2002.

Depuis, le domaine s’est agrandi pour atteindre aujourd’hui 87 hectares, contre seulement 13 hectares lorsque son père l’avait acheté dans les années 1980 après avoir exploité une ferme à Granges-Paccot.

Sur les 87 hectares de l’exploitation, une grande partie est consacrée aux prairies destinées aux vaches laitières que Beat Mathys élève, ainsi qu’à la production de fourrage. L’agriculteur exploite également des grandes cultures: du blé panifiable, de l’orge fourragère et du colza sur 20 hectares. En complément, il cultive des pommes de terre sur 30 hectares.

Parier sur les légumes

Depuis l’année dernière, il s’est aussi lancé dans la culture de légumes, avec 3 hectares d’épinards et 3 hectares d’oignons, en collaboration avec un collègue paysan. «On cherche à se diversifier, car aujourd’hui on ne gagne presque plus rien avec les cultures qu’on peut moissonner», constate-t-il.

La situation devient également très compliquée au niveau des rendements, car les possibilités de protéger les cultures avec des produits efficaces diminuent, comme lors des récentes attaques importantes de mildiou.

Les vaches laitières occupent une place importante dans l’activité de Beat Mathys. Il en détient 60 sur son exploitation, ainsi qu’une quarantaine de veaux et génisses. «Je livre mon lait à la fromagerie du village pour la production du Mont Vully, un fromage fribourgeois à pâte mi-dure», explique-t-il.

En ce qui concerne la relève, rien n’est décidé pour l’heure. Julia, 15 ans, est encore à l’école, tandis que Dominik, 20 ans, rêve d’entrer chez Skyguide comme contrôleur aérien après sa maturité et une année au service civil. «L’important, c’est qu’ils fassent quelque chose qui leur plaît.»

PB, Agir

Le premier de trois modèles

C’est en juin 2021 que Claas annonce un partenariat avec la start-up néerlandaise AgXeed pour la fabrication de tracteurs autonomes. En août 2022, Serco Landtechnik présente le modèle Bot 2.055w4, l’un des trois que la firme suisse importera désormais en exclusivité. Le choix pour cette première démonstration s’est porté sur le tracteur équipé de 4 roues. Serco estime qu’il est davantage adapté aux conditions suisses. Pourtant, durant l’année qui suit, c’est le modèle à chenilles qui semble intéresser davantage les agriculteurs.

Fin 2022, le groupe Serco fonde la société Sevra Suisse SA (il y a aussi Sevra France) spécialisée dans la digitalisation de l’agriculture et de la commercialisation des trois robots. La version sur chenilles sera présentée lors de plusieurs démonstrations en été 2023 et c’est celle-là qui fera l’objet de la première vente – et unique en Suisse jusqu’à aujourd’hui – chez Beat Mathys. Le troisième modèle est une version à trois roues conçue plus particulièrement pour la vigne et les vergers.

Le logiciel est le point fort de ces tracteurs autonomes, la machine reprenant des caractéristiques connues des tractions agricoles. «Le software est sans cesse mis à jour et la machine constamment améliorée», déclare Dominik Willi, conseiller technique de vente chez Sevra. La propulsion est assurée par des moteurs électriques, alimentés par un moteur diesel. Une formation et un suivi sont toujours fournis après l’achat. Selon Dominik Willi, l’entreprise peut fournir une remorque adaptée aux AgBot pour la route - ceux-ci ne pouvant y circuler par eux-mêmes.

Des prix avaient été communiqués lors de la démonstration de 2023 (lire Agri du 11 août 2023), mais nous n’avons pas obtenu de chiffres plus récents. Enfin, un AgXeed AgBot 5.115T2 a labouré 21 hectares en 24 heures le 30 mai aux Pays-Bas.

PAC