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Politique agricole

Europe. La colère paysanne entendue à Bruxelles et en France

Face à la grogne des paysans de l’Union européenne, la Commission européenne a fait des concessions sur deux sujets principaux. La France veut prendre également une série de mesures pour calmer les revendications de ses agriculteurs au nom de la souveraineté.

Photo IStock

ATS

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1 février 2024 à 18:12, mis à jour le 7 février 2024 à 09:47

Temps de lecture : 7 min

En réponse aux manifestations des paysans, l’UE propose d’accorder pour 2024 une dérogation "partielle" aux obligations de jachères imposées par la PAC et envisage un mécanisme limitant les importations d’Ukraine, notamment de volaille, des œufs et du sucre.

Inscrire la souveraineté dans la loi française

Le gouvernement français a de son côté dégagé des aides le 31 janvier pour un montant global de 500 millions d’euros environ. Gabriel Attal a fait de nouvelles annonces jeudi 1er février. Le gouvernement propose d’inscrire l’objectif de souveraineté alimentaire dans la loi: "Nous voulons être souverains, souverains pour cultiver, souverains pour récolter, souverains pour nous alimenter. Nous inscrirons l’objectif de souveraineté dans la loi. Nous le ferons avec les agriculteurs sur la base d’indicateurs clairs. Nous consacrerons dans le code rural l’agriculture comme un intérêt fondamental de la nation", a défendu le chef du gouvernement. "Ce n’est pas une souveraineté retranchée sur elle-même, car je n’oublie pas que notre agriculture est un de nos principaux secteurs exportateurs, avec les céréales, les vins, les spiritueux, les produits laitiers", a-t-il toutefois indiqué.

Le Premier ministre a livré plusieurs annonces jeudi, à commencer par un renforcement de la loi Egalim pour protéger la rémunération des agriculteurs. Gabriel Attal a également annoncé une enveloppe de 150 millions d’euros en soutien aux éleveurs. Il a par ailleurs dit vouloir empêcher l’importation en France de fruits et légumes traités avec le pesticide thiaclopride, interdit en Europe.

ONG environnementales choquées

Parallèlement, le plan Écophyto visant à réduire l’usage des pesticides sera mis "en pause", a commenté le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau. Une annonce qui a fait se dresser les ONG environnementales, consternées, qui parlent d’un "recul majeur", d’une "décision purement politique". Gabriel Attal a en outre appelé à une "législation claire au niveau européen sur la dénomination de ce qu’est la viande de synthèse", car celle-ci ne "correspond pas à notre conception de l’alimentation à la française". Il a enfin demandé que la question de la limitation des importations de céréales ukrainiennes dans l’Union européenne soit incluse dans une négociation.

Les syndicats majoritaires appellent à la suspension des blocages

À la suite de ces déclarations, les syndicats agricoles majoritaires en France ont appelé jeudi à suspendre les blocages d’agriculteurs dans le pays. "Au vu de tout ce qui avait été annoncé (…), il faut qu’on change de modes d’action et donc nous appelons nos réseaux (…) à suspendre les blocages et à rentrer dans une nouvelle forme de mobilisation", a déclaré le président des Jeunes Agriculteurs Arnaud Gaillot, au côté du patron du puissant syndicat agricole FNSEA Arnaud Rousseau, qui a lui salué "des avancées tangibles et l’écoute" du premier ministre.

Ils posent plusieurs conditions pour ne pas reprendre le mouvement: des "premiers résultats" d’ici le Salon de l’agriculture (24 février-3 mars) puis l’adoption d’une loi d’orientation et d’avenir agricole ainsi que de mesures européennes d’ici le mois de juin. "Si d’ici le mois de juin, ces marqueurs ne sont pas remplis, nous n’hésiterons pas à re-rentrer dans un mouvement de mobilisation d’ampleur générale", a déclaré Arnaud Gaillot. Les deux responsables ont réclamé un document de synthèse mettant par écrit toutes les annonces du gouvernement. "Dans le même temps, nous nous interrogeons sur la surdité de l’Europe", a ajouté Arnaud Rousseau.

À Bruxelles, des milliers de manifestants et 1200 tracteurs ont envahi les rues de la capitale européenne pour faire pression sur des dirigeants européens réunis en sommet. Dans tous les pays de l’UE, Bruxelles est la cible désignée de la colère agricole.

En France, plus aucune des 91 personnes interpellées en fin d’après-midi mercredi après une intrusion dans l’enceinte de Rungis, le plus grand marché de produits agroalimentaires frais au monde, au sud de Paris, n’était en garde à vue jeudi en milieu de matinée. Au petit matin, le calme régnait aux abords du marché.

Manifestations aussi en Grèce

Les manifestations paysannes se sont étendues jeudi dans l’Union européenne. Outre la France, l’Italie, l’Espagne, l’Allemagne, la Pologne, la Roumanie, ou encore le Portugal depuis le 1er février, la Grèce est également concernée. Des agriculteurs grecs en colère se sont rassemblés jeudi 1er février avec environ 300 tracteurs et des dizaines de camions d’apiculteurs immobilisés devant le centre municipal de Thessalonique, la deuxième ville de Grèce, où se tient à partir du 1er février la principale foire agricole de Grèce.

Friction sur le Mercosur

Autre sujet de friction qui reste en suspens à Bruxelles: la Commission négocie actuellement un accord de libre-échange avec les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay) qui inquiète le secteur agricole et dont Paris ne veut pas en l’état actuel.

ATS, le jeudi 1er février 2024

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