Parmi les thèmes mis en avant au Sitevi 2015 (Montpellier, 24-26 novembre) la robotique et le big data ont occupé une place particulière. Ces nouvelles approches de l'agronomie répondent à plusieurs besoins: la sécurité des opérateurs, la diminution de la pénibilité du travail, le manque de main-d'oeuvre. Mais les deux enjeux qui ont surtout retenu l'attention sont la réduction des phytosanitaires et les économies en eau.
En complément à nos articles parus dans l'édition Agri du 4 décembre (p. 21), voici quelques exemples et illustrations de cette révolution.
Le big data fait son entrée dans l'agriculture. "Avec dix millions d'hectares de vignes dans le monde, nous commençons tout juste à avoir besoin de ces technologies", a expliqué Stéphane Marcel, pdg de Smag, entreprise française active dans ce domaine (cité dans Agra Presse du 13 juillet 2015). En effet, le big data a besoin d'une masse énorme de données. La multiplication des capteurs ou des appareils de mesures sur outils fixes, portables ou aériens rend désormais possible le traitement massif de données très hétérogènes. A condition de développer l'interconnexion de tous les preneurs de mesures.
C'était le thème, avec la robotique, des rencontres internationales du salon Sitevi fin novembre dernier. Des responsables d'instituts de recherches et de domaines sont venus présenter, à un niveau plus local, les résultats de leurs essais dans la valorisation de leurs données. Les enjeux principaux: la diminution des produits phytosanitaires et la gestion de l'eau, une denrée de plus en plus rare dans certains vignobles.
La technologie est prête ainsi que les logiciels, tout au plus quelques éléments feraient encore défaut, "comme des débimètres de précision pour mesurer l'eau qui arrive vraiment au pied de la vigne", a relevé Marek Duputel, de l'ITK Montpellier. Le système développé par ITK, une entreprise créatrice de logiciels experts pour l'agriculture et basée à Montpellier, a permis des économies potentielles en eau de l'ordre de 52 à 61% par rapport à une irrigation conventionnelle et jusqu'à 73% en adaptant la conduite des parcelles.
Les modèles de gestion hydrique actuels
tendent à se différencier des conditions réelles
Avec l'évolution climatique, les modèles de gestion hydrique utilisés actuellement tendent à se différencier de plus en plus des conditions réelles. "Auparavant, ils étaient plus cohérents", commente Marek Duputel. D'où l'intérêt de développer des outils qui tiennent compte des besoins en eau du moment.
Un deuxième usage de ces techniques est la simulation rétrospective et prospective, où l'on tente de chiffrer les impacts à long terme de l'évolution climatique, notamment quant à la disponibilité de l'eau. C'est ce qui se fait à Bordeaux, dont certaines zones du vignoble sont confrontées à des problèmes de sécheresse.
Andrea Lornadi, directeur technique au Domaine Bertani, en Toscane, qui totalise 200 hectares de vigne, a travaillé tout d'abord sur les cartes. "Nous avons développé l'interconnexion cartes-machines pour pouvoir moduler les traitements et l'irrigation au niveau intraparcellaire. Ce qui a permis une économie de 21 à 25% de produits phytosanitaires, explique-t-il, avec des coûts qui ont beaucoup évolué, de 1500 euros pour une cartographie lorsque j'ai commencé, a entre 25 et 50 euros aujourd'hui."
L'objectif était également de résoudre les problèmes œnologiques – vins trop verts ou au contraire surmaturés – en analysant la composition physique et chimique des sols, en mesurant la vigueur de la végétation et en modulant la conduite à l'intérieur même des parcelles (d'une certaine dimension, il faut le dire) en fonction des résultats.
Emilio Gil Moya, de l'Université supérieure d'agriculture de Barcelone, spécialiste de la pulvérisation, a obtenu quant à lui des résultats encore plus spectaculaires, avec des réductions de 40% de produits phytosanitaires.
Reste à former les agriculteurs. Un frein à l'acquisition de ces techniques est leur évolution rapide, relève Bruno Tisseyre, de SupAgro à Montpellier, un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel. "Il s'agit aussi de prouver auprès des praticiens la plus-value de ces technologies de pointe." La formation continue et les forums d'échanges sont une réponse à ce défi.
Pierre-André Cordonier, 4 décembre 2015
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QUELQUES EXEMPLES SUR LE SALON
Vitirover

Arnaud de la Fouchardière, directeur de l'entreprise Vitirover.
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Le robot avec sa batterie.
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Agri a suivi l'évolution du robot girobroyeur Vitirover depuis l'obtention du prix spécial du Jury au Vinitech 2012. Une cinquantaine de machines fonctionnent actuellement dans une dizaine de pays, dont une à Genève. La société planifie la vente de 250 robots en 2016.
Pour rappel, ce petit engin sympathique de 11 kg, alimenté à l’énergie solaire de ses panneaux, circule librement et en totale autonomie dans la parcelle définie par GPS. La nuit, il dort sur le champ, en hiver il hiberne chez le concessionnaire tandis qu'on lui fait subir un check-up complet, selon le contrat de maintenance. Une application smartphone permet de le gérer et de recevoir des alertes en cas de problème.
Il lui faut 12 jours en moyenne pour désherber un hectare sur un sol préparé. Sa limitation majeure pour nos contrées est la pente qui ne devrait pas dépasser 10%, voire au maximum 15%. Selon Arnaud de la Fouchardière, directeur général de la société Vitirover, la solution passerait par l'adaptation des 4 moteurs électriques qui entrainent chacun une roue. "Si nous trouvons un partenaire prêt à investir en Suisse pour développer cet aspect, nous sommes partant, mais nous n'avons pas de projet pour le moment", explique-t-il. A noter que les moteurs sont développés par la société suisse Maxon Motor, sise à Sachseln (Obwald) (www.maxonmotor.ch).
Le prix a quelque peu augmenté depuis les premières estimations avant le lancement du robot sur le marché. Il coûte 8000 euros, avec trois ans de garantie qui comprennent également la maintenance.
Beaucoup de Suisses sont passés sur le stand de Vitirover, manifestant leur intérêt pour cette solution de désherbage. Outre le problème de la pente, Christian Blaser, vigneron-encaveur à Leytron et ancien président de Vitival, relève un autre inconvénient pour sa région: "Le fauchage régulier pourrait favoriser les graminées, on le voit d'ailleurs sur les vidéos. Or, elles sont une concurrence pour la vigne du point de vue hydrique et de l'azote."
Une deuxième génération est en cours de développement qui permettra d'embarquer des capteurs, dans la droite ligne de l'agriculture de précision et du développement du big data.
Bientôt un robot vigneron?
Naïo Technologies est une jeune entreprise fondée il y a 4 ans à Toulouse, active dans la commercialisation d'outils électriques pour l'assistance à la récolte et au désherbage dans le secteur du maraîchage, plus précisément en bio. "Nous avons été sollicités par ce secteur pour suppléer à la pénurie de main-d'œuvre", explique Matthias Carriere, invité aux rencontres internationales du Sitevi.
Créé il y a deux ans, Oz est un robot de désherbage guidé par un système de reconnaissance des formes et de vision (texture, couleur). La solution GPS a été écartée en raison des risques de perte de signal, "ce qui est dangereux dans ce contexte; la fiabilité du signal est décisive si l'on ne veut pas se retrouver avec une purée de poireaux dans la parcelle", précise Matthias Carriere. Sept à huit machines tournent actuellement chez des producteurs.
Deux versions plus grandes à l'état de prototype permettent d'enjamber les rangs. "On s'approche d'une solution pour la vigne", continue Matthias.
Suite à la demande de viticulteurs, Naïo Technologies a mis à l'étude un robot vigneron électrique, de type enjambeur pour le désherbage mécanique. Objectif: atteindre un débit de chantier de 1h45/ha avec des batteries de 13 heures d'autonomie. Le guidage serait basé sur la vision avec une cartographie des différents stades de végétation. Selon l'étude économique de l'entreprise, les coûts s'élèveraient à 250 euros/ha/an pour le robot, contre 212 à 292,8 euros/ha/an en désherbage chimique et 481 euros/ha/an en désherbage mécanique traditionnel.
Ce robot pourrait être polyvalent en embarquant des capteurs pour la récolte de données ou d'autres outils. La commercialisation est espérée en 2018-2019.
Un robot qui suit l'opérateur
L'entreprise française Effidence met au point des robots qui suivent automatiquement l'opérateur. Ce dernier peut ainsi accomplir ses tâches sans se soucier du déplacement du véhicule. Plusieurs applications sont possibles, du porte-charge jusqu'au chenillard. La version sur la photo dispose de capteurs qui lui permettent d'identifier un obstacle (mais à hauteur limitée) et de pouvoir circuler entre deux rangs.
PAC, 4 décembre 2015