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Les OGM continuent à faire débat


Quels avantages et quels risques présentent les OGM en Suisse? La question devra être tranchée d’ici à la fin du moratoire sur la culture de plantes génétiquement modifiées en 2017.


Les OGM continuent à faire débat


Quels avantages et quels risques présentent les OGM en Suisse? La question devra être tranchée d’ici à la fin du moratoire sur la culture de plantes génétiquement modifiées en 2017.

 

Des images chocs de rats déformés par des tumeurs géantes ont accaparé les médias en septembre dernier, relançant le débat sur la toxicité des OGM. Trois semaines après qu’une étude du Fonds national suisse de la recher­che (programme suisse PNR59 chargé d’évaluer les risques des OGM) ait conclu que ces derniers étaient sans risque, le biologis­te français Gilles-Eric Séralini, de l’Université de Caen, publiait les résultats de sa propre étude sur les effets cancérigènes d’un maïs OGM de Monsanto sur des rats et de l’herbicide associé, le Roundup. Même si le protocole suivi par le chercheur et les conclusions de son étude ont été mis en doute, Gilles-Eric Séralini a permis de questionner la fiabilité et l’indépendance des étu­des menées sur la sécurité des organismes génétiquement modifiés.

 

Dans ce contexte, le Conseil national a décidé de prolonger le moratoire sur la culture de plantes génétiquement modifiées jusqu’en novembre 2017. C’est que de nombreuses questions restent ouvertes et les avis demeurent partagés. Le 30 janvier 2013, le Conseil fédéral a mis en consultation un projet de réglementation de la coexistence entre plan­tes OGM et non OGM, créant ainsi le cadre juridique requis pour la culture d’OGM en Suis­se. Cette réglementation propose qu’en 2018, après la fin du moratoire, une solution permettant la culture des OGM tout en protégeant la culture de plantes non OGM soit mise en place.

 

La paysannerie reste majoritairement opposée à la culture des plantes génétiquement modifiées, mê­me si «ce n’est pas une opposition de principe», d’après Bernard Nicod-Etter, membre du comité directeur de l’Union suisse des paysans. Pour lui, la production de plantes transgéniques devrait remplir trois conditions: être intéressante du point de vue écologique, agronomique et économique. Or, à l’heure actuelle, aucun de ces critères n’est rempli. Loin d’un débat «pour ou contre», Agri vous propose de faire le point sur les OGM avec deux experts en la matière qui proposent chacun leur vision et apportent des réponses aux questions d’actualité.

Élise Frioud, 1er mars 2013

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LA TRANSGENÈSE, SIMPLE TECHNIQUE

 

INTERVIEW
 
Arnold Schori est ingénieur agronome EPFZ avec un doctorat en méthodologie de sélection des plantes. Actuellement, il dirige le département «Amélioration des plantes et Ressources génétiques» à la station Agroscope de Changins.

 

Où trouve-t-on des OGM en Suisse?

Toute culture commerciale de plantes OGM et de leurs semences est interdite en Suisse durant la période de moratoire. Bien que certains OGM soient autorisés à la consommation humaine, la Suisse n’importe actuellement pas de produits OGM, car la demande est actuellement faible ou inexistante. Ces produits doivent en outre être étiquetés en tant qu’OGM selon notre législation. Pour la nourriture animale, l’affouragement à partir de certains sojas ou maïs OGM est également autorisé en Suisse moyennant étiquetage. Les importateurs suisses de fourrage s’approvisionnent uniquement en fourrage non OGM malgré des coûts supérieurs. Ce n’est pas le cas dans de nombreux pays européens, dans lesquels la production animale dépend fortement de fourrages OGM. La viande, les œufs ou le lait importés en Suisse sont donc selon toute vraisemblance produits à base d’OGM.

 

Est-il dangereux de consommer des OGM?
Non. Les OGM actuellement commercialisés sont contrôlés avant leur mise sur le marché et sont déjà très largement consommés depuis longtemps dans le monde par les humains ou par le bétail. Une publication récente sur des rats affouragés leur vie durant de maïs OGM a récemment fait débat et semble démontrer le contraire. Cette publication est fortement contestée dans son approche et dans ses conclusions, notamment par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA).

 

Au fond, dispose-t-on de suffisamment de données pour croire en la sécurité des OGM?
Après vingt ans d’application de la technologie du génie génétique, aucun problème avéré de sécurité alimentaire n’est survenu sur le maïs Bt ou le soja résistant au Roundup. Toutefois, il est illusoire de penser détenir toutes les informations et d’avoir le recul nécessaire sur ce sujet comme sur d’autres. La transgenèse est une simple technique, et ce n’est pas elle qui est sûre ou dangereuse, mais bien l’application qui en est faite ainsi que le lieu choisi pour sa culture. Un colza, transgénique ou non, peut facilement se disséminer par graine ou par croisement avec des plantes apparentées et est donc beaucoup moins facile à contrôler qu’une plante comme le maïs ou le soja qui n’ont pas de plantes sauvages apparentées en Suisse. Une utilisation immodérée d’un seul et même gène de résistance sur de larges surfaces est problématique, que ce gène provien­ne d’une sélection classique ou d’une transgenèse. Une étude au cas par cas s’impose donc.

 

Quelle serait l’utilité agronomique des OGM en Suisse?
Cette utilité serait faible pour les deux principaux OGM actuels (résistance au Round-up et résistance à la pyrale du maïs). Nous avons en Suisse une agriculture raisonnée, utilisant largement la rotation culturale, si bien que les problè­mes de désherbage ou de lutte contre les prédateurs sont beaucoup moins marqués que dans les pays pratiquant la monoculture. En revanche, des OGM améliorant la qualité du produit ou améliorant la résistance naturelle de la plante envers les maladies fongiques (pomme de terre par exemple) seraient potentiellement très bénéfiques.

 

Quels risques poserait la culture des OGM en Suisse?
La procédure d’autorisation à la culture pour des OGM telle que définie dans la législation suisse est très stricte et englobe une multitude de paramètres. Ainsi, en termes de sécurité pour l’être humain et l’environnement, les risques posés par des OGM autorisés ne sont pas plus élevés que pour des plantes obtenues à partir de méthodes de sélection dites traditionnelles. En termes de risques économi­ques, la question est plus complexe. Une étude menée par Agroscope Tänikon montre que les coûts de la coexisten­ce ne représenteraient qu’un faible pourcentage des coûts de production totaux. Il ne pourrait toutefois être question de cultiver des OGM en Suisse sans prendre en compte la volonté des autres filières (bio ou conventionnelle). La séparation des filières en cas de coexistence de cultures OGM et non OGM n’est pas neutre financièrement: il s’agit d’assurer une distance minimale entre parcelles OGM et non-OGM, de prendre des précautions de nettoyage des machines, de transporter et stocker séparément les lots. Il s’agit enfin de les contrôler par analyse pour vérifier leur conformité. Tous ces frais seraient supportés par le consommateur.

 

Que pensez-vous du moratoire sur la culture des OGM en Suisse?
Les citoyens suisses ne souhaitent majoritairement pas consommer des OGM. Le moratoire, par son côté provisoire, est sans doute la moins mauvaise solution. Cette période d’interdiction doit être mise à profit pour progresser dans nos connaissances scientifiques sur les OGM, pour les expérimenter en conditions suisses et pour laisser au Parlement le temps de légiférer dans ce domaine. Le Program­me national de recherche 59, auquel Agroscope a participé, visait ce but: mieux appréhender les potentiels et les ris­ques des OGM.

 

Finalement, faut-il avoir peur des OGM?
Un esprit critique et différencié est toujours préférable à la peur.

Propos recueillis par Élise Frioud, 1er mars 2013

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IL FAUT EXCLURE DES OGM EN SUISSE

 

INTERVIEW

 
Luigi d'Andrea est biologiste, titulaire d’un doctorat en sciences. Il est spécialiste des questions agricoles et des biotechnologies pour la section romande du groupe suisse de travail sur le génie génétique.

 

Où trouve-t-on des OGM en Suisse?
Des OGM sont autorisés à la consommation humaine et animale en Suisse (voir la liste OFSP et OFAG). En dessous de 0,9%, il n’y a aucune obligation d’étiquetage. Les consommateurs peuvent donc en manger et les agriculteurs en donner à leurs bêtes sans le savoir. Pour l’instant, aucun fourra­ge transgénique n’est importé en Suisse, mais une longue liste de plantes transgéniques (PT) sont autorisées à la con­sommation animale. Au niveau des semences destinées à être semées, un seuil de tolérance de 0,5% est en vigueur pour les variétés autorisées en vertu de la Loi sur les denrées alimentaires ou celle sur les aliments pour animaux. Ainsi, en théorie, une quantité importante de semen­ces transgéniques peuvent être semée au travers de lots contaminés!

 

Est-il dangereux de consommer des OGM?
Il faut distinguer deux sour­ces potentielles de risques. La première est liée au mécanisme de transformation généti­que, la transgenèse, qui est en fait une technique très imprécise et très invasive pour le génome. L’insertion des transgènes n’est pas contrôlée et aléatoire. Elle peut altérer la fonctionnalité des gènes et perturber le métabolisme de la plante avec com­me conséquences des effets à long terme imprédictibles et incontrôlables.

 

La deuxième source de ris­que plus préoccupante est liée au fait que 99% des PT commercialisées sont des plantes qui contiennent un taux élevé de pesticides. En effet, elles ont été transformées pour tolérer et accumuler des herbicides et/ou produire des toxi­nes insecticides puissantes (les protéines Bt). Ce sont donc des plantes pesticides! Toutes les recherches menées indiquent que les résidus de pesticides ont des effets négatifs importants sur la santé. En ce qui concerne les protéines Bt, nous ne connaissons pas bien leurs différents mécanis­mes d’action. De récentes recherches montrent que ces protéines insecticides peuvent aussi avoir des effets sur les mammifères.

Pourtant, les évaluations scientifiques produisent des données plutôt rassurantes...

 

En fait, aussi aberrant que cela puisse paraître, nous n’avons presque pas de données. Aucune évaluation sanitaire n’est faite dans les conditions réelles de production. C’est-à-dire que les plantes qui sont testées ne sont pas traitées par des herbicides (et ne contiennent pas de résidus comme en conditions réelles) ou alors les protéines insecticides Bt testées ne sont pas celles produites par les plan­tes transgéniques, mais celles produites par des bactéries. Or, ces deux toxines sont différentes. De plus, l’effet synergi­que du mélange de résidus de pesticides et protéines Bt com­me il peut être retrouvé dans la plante n’est jamais testé.

 

Plus préoccupant encore, très peu d’études indépendantes sont disponibles et les données expérimentales sont tenues secrètes par les firmes agrochimiques qui financent et commanditent les études. Aucune vérification n’est alors possible, ce qui signifie que l’industrie est juge et partie. Les études sont réalisées de manière volontaire par l’industrie et n’excèdent pas trois mois sur le rat en général. Cela n’est pas suffisant pour mettre en évidence des effets à long terme. Or, les consommateurs y sont exposés à long terme.

 

Quelle serait l’utilité agronomique des OGM en Suisse?
Aucune. Les pratiques culturales suisses rendues obligatoires pour toucher les paiements directs sont bien adaptées à la gestion des ravageurs pour le maïs. La gestion de pathogènes et des mauvaises herbes peut se faire par des pratiques culturales adaptées pour les autres espèces con­cernées (betterave, blé, soja, pomme de terre). Les PT sont une création humaine. C’est en partie la cause des problè­mes rencontrés aujourd’hui en agriculture: vouloir adapter notre environnement aux variétés que nous créons plutôt que de s’adapter à un environnement qui change à l’aide de la biodiversité et de méthodes de cultures adaptées localement. Avec les PT et les variétés hybrides, on poursuit l’idée que c’est la génétique des plantes qui est le facteur limitant la production. Or, ce sont les écosystèmes qui produisent! La monoculture de clones transgéniques ne résoudra aucun problème sur le long terme. L’agriculture est l’art de cultiver les plantes ensemble et les agriculteurs des artisans de la terre. Arrêtons cet asservissement et cet abrutissement technologique inutile. Les plantes transgéniques ne correspondent pas à la direction que souhaite prendre l’agriculture suisse, celle d’une agriculture de qualité qui satisfait les exigences de ses con­sommateurs, permet des exportations de qualité et préserve l’environnement. Elle doit exclure les OGM. La plupart des labels suisses les excluent d’ailleurs déjà.

 

Et quels risques concrets poseraient-ils?
Un impact très négatif en termes économiques à travers la contamination inévitable des filières alimentaires. Un impact négatif en termes d’image et une perte de confiance des consommateurs. Une contamination environnementale pour des variétés qui peuvent survivre et se croiser à l’état sauvage. Du colza transgénique a déjà été retrouvé à Bâle et à Lugano alors que ce dernier est interdit à la culture en Europe!
Propos recueillis par Élise Frioud, 1er mars 2013

 

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