Menu
 

"Le fait que le veau tête, puis s'arrête rapidement est un symptôme typique"


Les ulcères de la caillette sont des troubles peu connus. Lara Moser, vétérinaire au Service sanitaire veaux suisse, évoque la question.


Dossier no 17 - 2023


Quelle est la prévalence des ulcères de la caillette chez les jeunes bovins?
On l’estime entre 70 et 93%, voire 100% chez les veaux à l’engrais. Chez 0,1 à 1% de ceux-ci, on déplore une issue fatale, ce qui correspond à 22% des pertes en engraissement. L’occurrence des ulcères de la caillette sur les veaux d’élevage et allaitants est toutefois moins connue.

Avec une telle fréquence, l’ulcère ne serait-il pas simplement à considérer comme normal?
Non, je ne pense pas parce que l’on a pu vérifier que dans des conditions moins stressantes leur nombre baisse.

Pourquoi les veaux développent-ils ce type d’affection?
D’abord, je souhaite préciser que nous distinguons chez eux deux types d’ulcère. Le premier ressemble à celui des humains et des monogastriques et suit la même évolution pathologique tandis que le second atteint la zone du pylore. A leur origine, plusieurs causes: le stress, la consommation d’anti-inflammatoires (souvent prescrits chez les jeunes veaux en soutien positif d’autres thérapies, notamment en cas de pneumonie), l’ingestion excessive d’aliments en une seule fois (lait, fourrage, céréales) et la consommation de foin trop dur et piquant, lequel peut entraîner des blessures. Le principe est en fait assez simple: dès que le tissu est mis à nu, l’acide peut s’y insérer et dégrader la paroi de la caillette.

Est-ce que des carences en éléments tels que fer, cuivre, zinc ou sélénium peuvent être mises en cause?
Un animal en carence est affaibli, donc plus susceptible de développer des affections. Toutefois, le lien entre carences de ces différents éléments et ulcères n’est pas établi.

D’autres facteurs tels que race, sexe ou âge pourraient-ils entrer en ligne de compte?
Bien que certaines études semblent avoir démontré des corrélations, elles ne sont pas clairement prouvées. Cependant, si l’ulcère est souvent décelé chez des animaux qui consomment beaucoup en une seule fois, il est cohérent que certaines races destinées à la production de viande se trouvent surreprésentées.

Quels sont les symptômes qui doivent alerter?
Ils sont difficiles à détecter. Des veaux en parfaite santé peuvent être atteints d’ulcères de stade 1 sans que cela n’entrave leur accroissement (lire ci-dessous). Le stade 2 est le plus facilement détectable avec des selles noires, un veau pâle et une douleur à l’abdomen lors de la palpation (il tend les muscles de la caillette). Un veau qui tête un peu puis retourne se coucher avant de revenir têter est typique. Le fait qu’il laisse tremper la mâchoire inférieure dans l’eau sans boire est aussi significatif.

Outre l’observation, existe-t-il une méthode de diagnostic fiable?
Non. Un appareil à ultrasons très performant pourrait permettre à une personne formée de détecter les ulcères, mais ce type de matériel est rarement utilisé dans les étables. Quant à l’utilisation d’une caméra, ce n’est pas une option envisageable, car cette méthode est invasive et nécessite la sédation du veau. Il est compliqué d’accéder au système digestif des ruminants. En outre, il a été établi que des poulains souffrant d’ulcères assimilent plus rapidement un sirop. Cette approche diagnostique n’a toutefois pas donné de résultats lorsqu’elle a été testée sur des veaux.

Comment traite-t-on un ulcère?
Avec des antiacides. Les options sont limitées: nous utilisons principalement l’hydroxyde de magnésium et l’oméprazole, initialement destiné aux chevaux. Par différents modes d’action ces deux médicaments augmentent le pH de l’estomac. D’autres produits existent mais ne sont pas autorisés en Suisse. Des mesures de correction de l’abreuvement seront aussi mises en place pour limiter la quantité consommée. Des pansements gastriques, du type graines de lin cuites, peuvent aussi être utilisés.

Ne serait-il pas judicieux de traiter alors d’office tous les veaux en prévention?
Non. L’acidité de la caillette est aussi essentielle à une digestion efficace et, en plus des coûts associés à ces traitements, l’hydroxyde de magnésium peut provoquer des diarrhées.

Quelles mesures préventives est-il possible d’adopter?
En général, reproduire les conditions naturelles propres à l’espèce contribue au bien-être et à la bonne santé des veaux. Pour preuve, une étude réalisée par la vétérinaire Corinne Bähler a révélé une différence de prévalence d’ulcères entre des veaux élevés selon les normes du label Naturafarm et des veaux élevés de façon conventionnelle. Fournir davantage d’espace, du lait de qualité (un mauvais lait de substitution peut entraîner des problèmes), à volonté ou en plusieurs buvées, et proposer constamment du fourrage grossier de qualité sont des facteurs préventifs importants. Il a toutefois été observé que l’accès permanent au fourrage est un facteur protecteur, tandis qu’un accès limité à ce même fourrage peut aggraver la situation. Concernant la complémentation en céréales, il est également recommandé de ne pas en distribuer trop en une seule prise. Les animaux ayant développé des tics avec leur langue semblent moins sujets à ulcères: cela pourrait être lié à une plus grande production de salive (qui baisse l’acidité de la caillette) ou au fait d’être distrait de son stress. Dans ce sens, la mise à disposition de jeux ne me semble pas une mauvaise idée, car elle améliore le confort du veau.
 
------------------------------------------------------
 
Des ulcères diagnostiqués à quatre stades
La caillette est le quatrième estomac des ruminants, proche, dans sa fonction, de celui des humains. Il produit de l’acide et une enzyme (le pepsinogène) pour aider à décomposer les aliments avant que ceux-ci ne soient dirigés vers l’intestin grêle. Pour éviter les problèmes causés par l’acide et l’enzyme, une caillette en bonne santé dispose de moyens de protection similaires à ceux de l’estomac humain.

Ces protections incluent la production de mucus (pour protéger la paroi interne de l’autodigestion) et la création de substances qui neutralisent l’acidité. Si ces mécanismes sont perturbés, l’acide produit dans la caillette peut attaquer et détruire la muqueuse et les tissus, exactement comme chez l’être humain.
Le Service sanitaire veaux suisse (SSV) décrit plusieurs stades d’ulcère de la caillette:

Stade 1: des altérations superficielles de la muqueuse sont constatées seulement à l’abattage et l’animal ne présente pas de symptôme. Les ulcères de stade 1 sont les plus répandus.

Stade 2: une lésion de la muqueuse provoque un saignement. Une coloration noire des fèces indique la présence de sang. Le stade 2 est la forme la plus facile à diagnostiquer: le veau est pâle et ses selles sont noires.

Stade 3: un ulcère perce la paroi de la caillette, mais le système immunitaire l’encapsule (abcès).

Stade 4: l’ulcère a percé la caillette et son contenu se vide dans la cavité abdominale. Il en résulte une péritonite étendue, ce qui provoque une septicémie et la mort. Parfois, l’ulcère a perforé, mais son contenu se répand uniquement dans la poche réticulée adjacente. S’ensuit alors une inflammation massive locale.

Une deuxième forme d’ulcère, l’ulcère du pylore (la région de l’estomac qui relie la caillette à l’intestin grêle), est souvent diagnostiquée chez des veaux qui consomment une grande quantité de lait, très lourds avec un accroissement important. Enfin, il est à noter qu’un ulcère peut devenir le lit d’une infection à Clostridium perfringens, là encore synonyme d’une mort quasi certaine.

Est-il possible que les ulcères du veau impactent la santé de futures vaches laitières, par exemple? «Je ne peux rien affirmer, mais toute blessure déplorée dans sa jeunesse accompagne l’animal à vie. Les tissus cicatriciels peuvent se souder et créer des adhérences, par exemple», rappelle la vétérinaire du SSV.
 
------------------------------------------------------
 
Autopsier systématiquement
«Plus de quarante ans que j’engraisse des veaux, je n’ai jamais entendu parler de ça!», réagit, parmi d’autres, un engraisseur. Cette réaction ne surprend pas Lara Moser car le trouble est en effet difficile à diagnostiquer et à soigner. «Toutefois, cette observation de veaux qui commencent à téter puis s’arrêtent rapidement est caractéristique et devrait les interpeller.» Pour sensibiliser, elle suggère aussi qu’en cas de pertes inexpliquées, une autopsie soit systématiquement pratiquée.
Enfin, pour la vétérinaire, dans tous les cas, la meilleure question à se poser en tant qu’éleveur est: «Que puis-je mettre en œuvre pour améliorer le bien-être de mes veaux?»

Des solutions en devenir
Evidemment, en parallèle, la recherche aussi se poursuit. Actuellement, des évaluations sont menées sur d’autres antiacides inhibiteurs de la pompe à protons qui est responsable de la production d’acide gastrique.
Martine Romanens, le 27 avril 2023




 

E-Paper & Archives

Cette semaine dans Agri

 

Prix du marché

Chaque semaine, suivez l'évolution des prix du marché de la viande, en conventionnel ou sous label: bovins, porcs, ovins. Consultez aussi les prix de la vente directe, des marchés surveillés et de Proviande.

Conseil de saison

Conseil de saison

Le conseil de saison est en pause hivernale et revient au printemps prochain. 

Voyages

Le Tyrol, les Açores, ou plus proche de nous la région de Grenoble, Agri vous a concocté un programme de voyage riche et varié pour 2023. Les deux derniers voyages au programme sont déjà complets. Les candidats supplémentaires seront mis sur une liste d'attente. Pour en savoir plus...

Agri - Hebdomadaire professionnel agricole de la Suisse Romande
Site web réalisé par www.webexpert.ch

Actualités

Cette semaine

Dossiers

Prix du marché

Photos

Vidéos

Archives

Voyages

A table

Boutique