Des poulets entiers IP-Suisse s’invitent sur les étals des magasins Migros
Le mois d’août dernier marque le début d’un nouveau partenariat conclu entre IP-Suisse et Migros. Le nombre de poulets entiers labellisés vendus en grandes surfaces devrait ainsi être triplé.
Désormais, les consommateurs qui font leurs courses dans les succursales de Migros peuvent acheter des poulets entiers qui arborent fièrement la coccinelle, le fameux logo d’IP-Suisse. "Le programme a démarré en août 2023", explique Jacques Demierre, gérant d’IP-Suisse Romandie. "Notre objectif commun est de mettre en valeur des volailles de qualité IP-Suisse, avec un engagement en termes de promotion de la biodiversité et de bien-être animal."
Volumes relativement importants Le partenariat conclu entre le géant orange et l’organisation à la coccinelle prévoit une production d’environ 25 000 poulets par semaine. "Nous n’avons pas de scénario établi quant à l’évolution des quantités écoulées", précise Jacques Demierre. "A terme, c’est le marché qui définira les volumes de production."
Jusqu’alors, la production totale de poulets IP-Suisse atteignait 1 million d’animaux par an, dont la moitié étaient vendus en tant que poulets via le distributeur Manor. "Ce nouvel accord avec Migros engendre un fort développement de notre production labellisée qui demeure toutefois relativement anecdotique, au regard des 80 à 85 millions de poulets engraissés annuellement en Suisse", commente le gérant.
Pour satisfaire cette nouvelle demande, IP-Suisse compte dans ses rangs une vingtaine d’aviculteurs supplémentaires. "Ce sont des producteurs de poulets sous contrat avec Micarna qui se sont reconvertis à nos exigences", précise Jacques Demierre. Dans le segment labellisé, il n’y a pour l’heure pas de place pour de nouveaux producteurs, mais dans les canaux classiques, les intégrateurs sont ouverts aux agriculteurs désireux de débuter un atelier d’engraissement de poulets.
Quant au prix payé aux producteurs, il peut varier d’un bâtiment à l’autre. En effet, en Suisse comme d’ailleurs presque partout dans le monde, la production de volailles ne s’inscrit pas dans une structure de commercialisation libre, mais bien dans un système de filières intégrées. Les prix sont donc discutés entre le producteur et son intégrateur. "Nous avons négocié avec Migros une prime label de plus ou moins 10% du prix de base, pour couvrir les surcoûts liés au label", indique Jacques Demierre. "Mais ces prix de base diffèrent selon les coûts de production de chaque producteur ou bâtiment."
Modifications du cahier des charges Pour pouvoir répondre à l’augmentation de la demande engendrée par le partenariat avec Migros, IP-Suisse a révisé ses directives encadrant la production de volailles labellisées. Jusqu’ici, les aliments donnés aux poulets ne devaient contenir que des issues de meunerie ou des céréales suisses. Depuis la récolte céréalière 2023, cette exigence est tombée. "La production de céréales fourragères indigènes n’est tout simplement pas suffisante pour nourrir les monogastiques suisses", justifie Jacques Demierre. "Par contre, nous avons précisé que le soja utilisé doit provenir de l’Union européenne."
La décision d’IP-Suisse de ne plus exiger des céréales fourragères suisses a provoqué l’ire des engraisseurs de poulets genevois, qui crient à la concurrence déloyale. Pour répondre aux critères du label Genève Région - Terre Avenir (GRTA), ces producteurs doivent en effet recourir à des céréales produites dans leur canton, plus chères que les céréales importées, alors que leurs poulets et ceux arborant la coccinelle se trouvent côte à côte sur le segment des volailles labellisées (lire Agri du 25 août 2023, en page 17).
Génétique adaptée IP-Suisse a aussi profité de la dernière adaptation de ses directives sur les volailles pour préciser les critères exigés pour les éléments de structures au pâturage et pour définir une grille d’évaluation des races adaptées à un engraissement semi-extensif et une détention avec un accès à un parcours herbeux.
La quasi-totalité de la production de poulets de chair en Suisse et à l’international repose sur la race Ross 308 qui s’est distinguée par sa croissance rapide et son efficience alimentaire. "Le Ross 308 n’est pas adapté à un système de détention basé sur l’accès à un parcours herbeux", souligne Jacques Demierre. "L’intensité de cette race fait également débat dans certains pays de l’Union européenne."
IP-Suisse a donc choisi de limiter l’accroissement des races autorisées dans son label à 55 g par jour au maximum, à un poids d’abattage cible. Afin de garantir une utilisation efficace des surfaces céréalières, l’indice de consommation est soumis à une limite. "Ainsi, bien-être animal et utilisation efficiente des ressources se côtoient", commente le gérant d’IP-Suisse Romandie. Pour l’heure, trois races, toutes sélectionnées par Hubbard, répondent aux critères d’IP-Suisse: le JA 957, avec lequel IP-Suisse a déjà vingt ans d’expériences, ainsi que le JA987 (et 987k) et le Redbro, qui ont été testés par Aviforum (lire ci-dessous).
La production de poulets IP-Suisse ne satisfait pas aux exigences du programme SRPA, qui impose une durée de vie d’au moins 56 jours. "Ce n’est ni conforme au marché, ni réaliste", peste Jacques Demierre. "La SRPA rate sa cible, car la participation à ce programme stagne à environ 8% depuis vingt ans." Le gérant d’IP-Suisse Romandie souhaiterait relancer que le débat sur une contribution puisse être lancé. Vincent Gremaud, le 22 septembre 2023.
___________________________________________ AVIFORUM A TESTÉ DES HYBRIDES SEMI-EXTENSIFS
Les entreprises de sélection proposent aujourd’hui ces races afin de combler le vide qui se trouvait entre les hybrides intensifs et ceux à accroissement lent destinés avant tout à la production bio. Mandaté par IP-Suisse, le centre de compétences de l’aviculture suisse dans les domaines de la formation, de la recherche appliquée et des prestations, Aviforum, a mené, en 2022, un essai comparatif portant sur quatre hybrides semi-extensifs.
Dans leur poulailler expérimental de Zollikofen, les chercheurs d’Aviforum ont engraissé des poulets de ces quatre races ainsi que des poulets standards Ross 308, jusqu’à un poids cible de 2,15 kg. La moitié des lots ont eu accès à un pâturage, et l’autre non.
Performances d’engraissement La période d’engraissement a duré entre 42 et 44 jours. Au niveau de l’accroissement, l’hybride Hubbard Redbro s’est légèrement distingué, avec 54,5 g/j (sans pâturage) et 52,9 g/j (avec pâturage). Les trois autres hybrides semi-extensifs ont obtenu des accroissements proches de 50 g/j. A titre de comparaison, les poulets Ross 308 ont atteint les 2,2 kg en 36 à 37 jours, ce qui correspond à un accroissement de près de 60 g/j. A noter que les hybrides JA 987k et Redbro ont présenté une uniformité des poids à l’abattage supérieure aux autres races, et comparable aux hybrides standards.
Le rapport entre la quantité totale d’aliment consommé et le poids vif à l’abattage définit l’indice de consommation. Généralement, les poulets Ross 308 atteignent un indice de 1,5 et les poulets élevés en plein air ou bio entre 2,2 et 2,5. Dans un souci d’efficience, IP-Suisse a choisi de limiter cet indice à deux au maximum. Si la race JA 987k s’est distinguée des autres par une meilleure efficience (1,79 au pâturage et 1,58 sans accès au pâturage), tous les hybrides testés ont rempli cette exigence.
Utilisation du pâturage et capacité à marcher Contre toute attente, la mortalité moyenne des hybrides testés dans l’essai s’est avérée légèrement plus élevée que la mortalité moyenne observée par les collaborateurs d’Aviforum chez les poulets standards. La santé des pieds des poulets semi-extensifs ainsi que leur capacité à se mouvoir ont aussi été testées, avec succès.
Les chercheurs ont aussi contrôlé l’utilisation du pâturage par les animaux à sept moments fixes dans la journée. Les poulets ont davantage utilisé le pâturage peu après l’ouverture des parcs le matin et sont aussi plus sortis lorsque le rayonnement solaire était moindre, sans surprise. En fin de période d’engraissement, les sorties étaient aussi plus nombreuses qu’au début.
Grâce aux résultats obtenus dans cet essai, IP-Suisse a choisi d’accepter deux de ces hybrides, le JA 987 (et 987k) ainsi que le Redbro dans ses directives encadrant la production de volailles. "C’est avant tout par leur meilleure utilisation du pâturage qu’ils se sont distingués des autres", a justifié Jacques Demierre. "C’est un critère important pour notre label qui vise à améliorer le bien-être animal." VG, le 22 septembre 2023.
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