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«La recherche fondamentale participe à trouver des solutions pour la pratique»


Responsable du groupe Virologie, bactériologie et phytoplasmologie d’Agroscope, OLIVIER SCHUMPP étudie, avec ses collaborateurs, des moyens de lutter contre les jaunisses virales et le syndrome des basses richesses. Ses résultats auront un impact direct pour les agriculteurs.


dossier agroscope


> Depuis quand travaillez-vous sur les thématiques liées à la betterave sucrière?
En 2017, dès l’apparition du syndrome des basses richesses (SBR) en Suisse, nous avons été sollicités pour diagnostiquer cette maladie et dès l’année suivante, notre groupe de recherche a commencé des travaux qui vont au-delà d’un simple état des lieux. Le SBR était connu en France, notamment en Bourgo­gne, depuis les années 1990, mais le problème avait alors été réglé en arrêtant la culture de betterave dans la zone concernée et en la délocalisant. Concernant les jaunisses virales, nos premières études datent de juin 2020, l’année où cette maladie a explosé pour la première fois en Suisse.

> Quels sont les moyens alloués par Agroscope aux études sur la betterave?
Depuis maintenant un an et demi, nous remarquons une réelle volonté stratégique et politique d’investir du temps ainsi que des moyens financiers dans la recherche sur les maladies de la betterave. Plusieurs projets sont en cours. Au sein d’Agroscope, les travaux ne sont pas cloisonnés. Dans mon groupe, quatre chercheurs et trois techniciennes en laboratoire participent à des études sur la betterave. Mais mon équipe, qui fait de la recherche au niveau moléculaire, n’est pas la seule à travailler sur cette culture à Agroscope. Nous avons des collègues, par exemple spécialisés en entomologie, qui cherchent également à lutter contre les vecteurs de maladies mais aussi les ravageurs.

> Collaborez-vous avec d’autres organismes de recherche en Suisse et à l’étranger?

Nous travaillons actuellement beaucoup avec le Centre betteravier suisse (CBS). Certains de nos projets sont financés par l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG), via le CBS. Ce dernier mène des essais en plein champ et nous collaborons avec eux au niveau du développement méthodologique, des analyses ou des caractérisations de tolérances aux maladies. Concrètement, ils nous fournissent des graines des variétés qu’ils choisissent et nous analysons leurs capacités de résistance, par exemple aux jaunisses virales. Nous sommes également en contact avec la Haute école des sciences agronomiques, forestières et alimentaires (HAFL) de Zollikofen (BE). Nous échangeons aussi nos connaissances avec certains collègues à l’étranger, comme le Groupe d’étude et de contrôle des variétés et des semences (GEVES), en France.

> Concrètement, qu’est-ce qui est nouveau avec le SBR?
L’agent pathogène du SBR, Candidatus Arsenophonus phytopathogenicus, est une bactérie jusqu’ici inconnue. De plus, l’insecte vecteur de cette maladie – une cicadelle – est lui aussi relativement nouveau. Il avait déjà été détecté de façon marginale dans des roselières mais subitement, il s’est retrouvé massivement présent dans la betterave.

> Quels sont les premiers axes de recherches que vous avez suivis?
Très rapidement, avec le SBR, il est apparu que nous avions besoin de savoir quel agent pathogène est concerné. En effet, parallèlement à l’Arsenophonus, le Stolbur, un autre type de bactéries transmises par une cicadelle et connue dans la pomme de terre, serait également capable d’être à l’origine du syndrome des basses richesses. Nous avons développé un test moléculaire qui permet de distinguer la cause de la maladie. Les résultats de nos analyses montrent qu’en Suisse, l’Arsenophonus est le seul responsable du SBR. Afin d’aider à poser des diagnostics futurs, nous avons aussi pu montrer qu’une analyse d’un échantillon du pivot suffit. La bactérie y est présente durant tout le cycle de la maladie. Concernant les jaunisses virales, nous avons identifié les espèces de virus qui sévissent en Suisse ainsi que leur évolution.

> En quoi la recherche fondamentale que vous faites aide-t-elle les agriculteurs sur le terrain?

La recherche fondamentale participe clairement à trouver des solutions pour la pratique. Nos travaux ont permis de développer une méthode de diagnostic fiable pour le SBR. Nous travaillons aujourd’hui sur le séquençage du génome d’Arsenophonus (lire ci-dessous). Grâce à ces recherches, des applications concrètes sur le terrain peuvent être développées pour lutter contre ces maladies.

> Avez-vous des exemples concrets?
Pour les jaunisses virales, nos travaux ont permis de mettre en évidence les souches de virus présentes en Suisse, ce qui permet de tester les résistances des variétés commercialisées aux agents pathogènes que nous avons réellement dans nos régions. Ce ne sont pas exactement les mêmes que les virus présents en France ou en Allemagne. Concernant le SBR, nous avons pu mettre en évidence, en collaboration avec la HAFL et le CBS, qu’il ne s’agit pas uniquement une association tripartite (Arsenophonus, cicadelle, betterave), mais quadripartite. En effet, il semblerait que l’insecte ne se développe dans la betterave que s’il peut survivre dans la culture suivante. Une rotation adéquate, par exemple en évitant de semer du blé après la betterave, permet donc de restreindre le développement de la maladie.
Propos recueillis par Vincent Gremaud, le 24 mars 2023


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GÉNOME DE L'AGENT DU SBR ÉTUDIÉ

Comme l’agent pathogène responsable du syndrome des basses richesses (SBR), l’Arsenophonus, n’a été découvert que récemment, il est loin d’avoir livré tous ces secrets. Comme d’autres instituts de recherche, Agroscope se penche sur le génome de cette bactérie. En un an et demi à deux ans, la grande majorité de ce génome a pu être séquencée.

«L’objectif est de permettre d’identifier des gènes qui sont importants pour comprendre le développement de cette maladie dans la betterave», explique Olivier Schumpp du groupe de recherche Virologie, bactériologie et phytoplasmologie d’Agroscope.

Difficile de quantifier la tolérance variétale
L’un des problèmes que rencontrent les chercheurs avec cette bactérie, c’est qu’il est impossible de la cultiver en laboratoire, ce qui les freine dans leurs essais de caractérisation variétale. «En étudiant le génome de cette bactérie, on espère pouvoir découvrir le moyen de la cultiver», indique le chercheur. «Il lui manque peut-être une voie métabolique particulière que l’on pourrait compenser en ajustant le milieu de culture.»

Cultiver un agent pathogène n’est pas une fin en soi. Si les scientifiques y mettent autant d’ardeur, c’est que cela facilite grandement leurs travaux de caractérisation variétale. Pour les jaunisses virales, par exemple, il suffit de diffuser le virus et les pucerons sur un essai variétal pour comparer le développement de la maladie sur les différentes variétés pour estimer leur tolérance. Cette approche n’est donc pas encore possible en ce qui concerne le SBR.

«Nous n’arrivons en effet pas encore à quantifier avec une précision suffisante la tolérance des diverses variétés au SBR», relève Olivier Schumpp. «Actuellement, nous sommes obligés d’aller faire nos essais dans des zones infectées, avec toutes les variations environnementales que cela implique. Les conditions dépendent du développement de la maladie in situ, ce qui n’est pas optimal pour réaliser des travaux de recherche, puisque la pression de la maladie diffère d’un endroit à l’autre.»
VG, le 24 mars 2023
 
 
 
 
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C’est vous qui le dites

Quel est votre parcours et sur quel sujet menez-vous vos recherches?

 

 

 

Raphaël Groux
Postdoctorant en biologie moléculaire au sein du groupe Virologie, bactériologie et phytoplasmologie d’Agroscope

«J’ai consacré mon travail de doctorat en biologie aux interactions entre les insectes et les plantes. Suite à ma thèse, je voulais travailler sur des domaines de recherche plus appliqués et j’ai été attiré par l’agronomie. Je ressentais le besoin d’être utile avec mes recherches et de faire le lien entre les mondes scientifique et agricole. J’ai commencé mon activité à Agroscope en mars 2021, au moment où la Confédération a débloqué des fonds pour la recherche sur la betterave. Mes travaux ici se sont focalisés au début sur la détection et la détermination des virus présents en Suisse ainsi que le séquençage de leur génome. Aujourd’hui, je travaille sur des projets qui traitent des aspects de biocontrôle du puceron vert, vecteur de la jaunisse. A l’aide de bactéries, nous cherchons à lutter contre ces pucerons, réduisant ainsi la propagation des virus. Cette année, nous devrions pouvoir tester cette technique dans des essais en plein champ. Sur un autre projet, je cherche à déterminer les plantes qui servent de réservoir pour le virus. Pour ce faire, on amplifie l’ADN présent dans des pucerons pour connaître précisément ce qu’ils ont mangé.»

 

 

Mathieu Mahillon
Postdoctorant en biologie moléculaire au sein du groupe Virologie, bactériologie et phytoplasmologie d’Agroscope

 

«Je viens de Louvain-la-Neuve, en Belgique, où j’ai étudié la bio-ingénierie. Mon travail de doctorat était principalement axé sur des virus associés à la rhizomanie, une maladie virale de la betterave. Ces virus sont transmis par des vecteurs vivant dans le sol: des champignons et des protistes. Avec le développement de variétés tolérantes, cette maladie n’est plus un réel problème pour les betteraviers. Depuis février 2021, je travaille pour Agroscope sur le syndrome des basses richesses (SBR). Nous avons mis au point un outil de diagnostic et nous examinons maintenant le génome de la bactérie responsable du SBR. Nous suivons également le développement territorial du SBR en menant des analyses sur des centaines d’échantillons pris lors des récoltes, en automne, sur l’ensemble de la Suisse. Nous procédons aussi à des tests de transmissions et d’inoculations. Comme nous ne pouvons pas cultiver la bactérie, nous sommes limités à une utilisation d’insectes vecteurs. Le cycle des cicadelles est long (jusqu’à six mois) et nous ne pouvons analyser leur charge en pathogènes qu’a posteriori. Notre espoir principal contre le SBR réside dans le développement de variétés tolérantes.»
VG, 24 mars 2023

 

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