Bon nombre de fosses à lisier doivent encore être couvertes avant 2030
Entrée en vigueur début 2022, la dernière modification de l’Ordonnance sur la protection de l’air laisse six à huit ans aux exploitants pour couvrir leurs fosses existantes. Seule une petite partie des agriculteurs concernés ont entrepris des démarches.
Dans le but de réduire les émissions d’ammoniac, la Confédération exige de couvrir tous les réservoirs à ciel ouvert qui stockent des engrais de ferme liquides en Suisse. En effet, les études montrent que le fait de couvrir une fosse à lisier permet de réduire d’environ 80% les émissions d’ammoniac dues au stockage. Depuis de nombreuses années déjà, certains Cantons conditionnaient l’octroi de permis de construire à la pose d’une couverture sur ces réservoirs. A l’avenir, même les plus anciennes fosses devront satisfaire à cette exigence, d’une manière ou d’une autre. En mars 2022, la Conférence suisse des services de l’agriculture des Cantons (COSAC) et la Conférence des chefs de service et offices de protection de l’environnement (CCE) ont publié conjointement une fiche d’information précisant les conditions que doivent remplir les couvertures des fosses à lisier (lire ci-dessous).
Le compte à rebours a commencé La nouvelle OPair est entrée en vigueur le 1er janvier 2022. Dans les dispositions transitoires, un délai de six à huit ans est accordé pour l’assainissement des installations existantes. La Confédération part ainsi du principe que tous les réservoirs à lisier seront équipés d’une couverture durablement efficace d’ici au plus tard à 2030.
A ce jour, seule une faible part des agriculteurs concernés a entamé des démarches. «On a fait des centaines d’offres en Suisse romande. Mais pour l’heure, peu nombreux sont les agriculteurs qui ont agi. En général, ceux qui ont couvert leurs fosses l’ont fait pour limiter les volumes d’eau de pluie qui aboutissent dans les réservoirs», explique Fabien Roulin, fondateur d’Impact Equipements, une entreprise basée à Sainte-Croix (VD) qui commercialise des couvertures.
«Depuis cette année, nous recevons un peu plus de demandes», indique Pascal Perroulaz, du secteur Amélioration des structures à Grangeneuve (FR). Collaborateur de Proconseil, Sylvain Chevalley confirme que le mouvement est également amorcé dans le canton de Vaud. «Les agriculteurs s’en soucient et prennent le problème en mains. Ils vont couvrir leurs fosses», relève le conseiller en construction rurale. «Suivant la solution choisie, par exemple pour la pose d’un dôme, une mise à l’enquête s’avère nécessaire. Les projets sont souvent plus lourds à monter administrativement que ce que l’on pense.»
Un certain coût Agriculteur à Bière, Daniel Pittet a choisi de couvrir sa fosse en 2018. «Jusqu’alors, j’avais un silo en métal de 600 m3, à ciel ouvert», explique le Vaudois, qui a profité d’un projet d’agrandissement de sa stabulation pour remplacer ce réservoir par une fosse en béton de même diamètre (17 m) mais deux fois plus haute (6 m).
«J’ai exploré l’idée d’acheter des tuiles flottantes, mais ce système posait des difficultés lors des brassages. J’ai aussi envisagé une dalle en béton préfabriquée qui s’est avérée être une solution trop onéreuse», précise Daniel Pittet. «Finalement, j’ai choisi une couverture conique autoportante, sans pilier central, avec une armature galvanisée et une bâche.»
Au final, la couverture de la fosse de Daniel Pittet lui est revenue à 27 500 francs. «A l’époque, j’ai touché 20 000 fr. de subventions, donc cela ne m’a finalement pas coûté grand-chose.»
Selon Impact Equipements, le fournisseur de Daniel Pittet, les prix de ce genre de couverture ont augmenté de 20 à 25%.
Soutiens à l’investissement L’Ordonnance sur les améliorations structurelles dans l’agriculture (OAS) prévoit un soutien financier de la Confédération pour les projets de couverture des fosses existantes, à raison de 30 fr./m2. «Ces aides sont conditionnées à un cofinancement. Les Cantons doivent mettre un montant au moins égal à celui de la Confédération», souligne Johnny Fleury, du secteur Développement des exploitations et droit foncier rural de l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG). «Ils peuvent aussi se montrer plus généreux.»
C’est visiblement le cas pour le Canton de Vaud. «De tels projets peuvent recevoir des subventions à fonds perdu qui couvrent 30% des investissements dans les zones de plaine et de collines et jusqu’à 40% en zones de montagne», indique Sylvain Chevalley. «Les couvertures de fosses existantes sont ainsi soutenues de la même manière que l’aménagement de nouveaux réservoirs à lisier.»
Les exploitants qui souhaitent entreprendre les démarches en vue de couvrir leurs fosses peuvent obtenir davantage d’informations auprès des offices cantonaux concernés. Vincent Gremaud, le 7 avril 2023.
_______________________________________ DIFFÉRENTES SOLUTIONS POUR SE CONFORMER
La récente modification de l’Ordonnance sur la protection de l’air (OPair) précise que les dispositifs pour l’entreposage de lisier et de produits méthanisés liquides doivent être équipés d’une couverture durablement efficace. Le but d’une telle couverture est de réduire les turbulences d’air à la surface du réservoir, de même que les échanges d’air, ce qui diminue le dégagement de substances volatiles comme l’ammoniac ou des composés secondaires odorants.
Critères à remplir Selon la fiche d’information rédigée conjointement par la Conférence suisse des services de l’agriculture des Cantons (COSAC) et la Conférence des chefs de service et offices de protection de l’environnement (CCE), les couvertures naturelles, telles que croûtes flottantes, les couches de paille hachée, de maïs ou d’argile expansée perdent leur effet de réduction des émissions par moments, notamment lors du brassage du lisier. Elles ne remplissent donc pas le critère de durabilité de l’effet.
Les couvertures doivent résister au milieu agressif dans lequel elles se trouvent. Au moins deux ouvertures doivent être aménagées de manière à faciliter les tâches de contrôle et d’entretien et à permettre aux gaz de fermentation de s’échapper par le point le plus haut. Les ouvertures dans la couverture doivent être réduites au minimum pour limiter les émissions. Pour les couvertures flottantes et partiellement flottantes, la surface d’ouverture maximale est de 6%. Pour les autres types de couvertures, des ouvertures beaucoup plus petites sont possibles.
Le remplissage du réservoir doit intervenir au-dessous du niveau du lisier. Un dispositif prévenant les écoulements doit en outre équiper le tube plongeur. A noter que les fosses à lisier et les canaux collecteurs sont conformes lorsqu’ils se trouvent sous un sol fermé ou perforé, comme des caillebotis.
Toits fixes et dômes coniques Parmi les ouvrages reconnus et donnant droit aux soutiens étatiques, on trouve des structures fixes, en bois ou en béton. Des solutions d’autoconstuction sont possibles pour autant qu’elles répondent à toutes les exigences précitées.
Dans les systèmes de toits coniques, une bâche est tendue au-dessus du réservoir à lisier à l’aide d’une structure porteuse. Cette dernière peut consister en une charpente reposant sur le réservoir (autoportant) ou s’appuyer sur un pilier central. Cette dernière solution devient incontournable pour les plus grands diamètres.
Bâches flottantes ou semi-flottantes Les couvertures flottantes et semi-flottantes sont généralement moins chères que les constructions fixes et leur impact sur le paysage est moindre. Elles ont moins de contraintes liées à la statique du réservoir et aux charges potentielles dues à la neige.
L’eau de pluie s’écoule dans la fosse. Cela permet d’obtenir un lisier plus fin et plus fluide, et donc de réduire également les émissions lors des épandages. En revanche, les fosses se remplissent plus vite.
Tuiles flottantes Les tuiles en plastique hexagonales flottantes de type «HexaCover», «Matrix-Cover», ou «JT-Cover» ne répondent aux exigences de couverture que pour du lisier peu visqueux, exempt de matières solides. Elles ne conviennent donc que pour les fosses contenant du lisier séparé et sous certaines conditions d’exploitation. En effet, lors du brassage et du pompage, un soin particulier doit être apporté afin d’éviter tout dommage et obstruction des installations.VG VG, le 7 avril 2023.
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