Les maladies au sein des troupeaux laitiers s’avèrent coûteuses et complexes
Directs ou indirects, les coûts des maladies cliniques et subcliniques sont souvent sous-estimés. L’impact économique des diverses pathologies sur les exploitations doit néanmoins être considéré.
L’apparition de maladies au sein d’un cheptel peut être rapidement contraignante, démotivante et influente d’un point de vue économique. De nombreux travaux ont été effectués dans ce domaine permettant de chiffrer les pertes engendrées par certaines pathologies, au sein de différentes catégories d’animaux, dans diverses régions du monde. Les chiffres ainsi fournis doivent être perçus comme des indicateurs et non comme des valeurs absolues applicables directement dans chaque exploitation suisse. En effet, chaque structure a ses propres particularités qui peuvent augmenter ou diminuer l’impact économique des diverses pathologies.
Poids des maladies subcliniques Lorsque l’on parle de coûts des maladies, il est impératif de garder à l’esprit que les maladies cliniques (par exemple mammites avec beaucoup de température, vaches à terre après vêlage) ne représentent qu’un pourcentage de l’ensemble des pathologies. Il ne s’agit que de la pointe de l’iceberg. En effet, les expressions subcliniques (comme des vaches avec un taux de cellules trop élevé mais un lait totalement normal et apparemment en pleine santé ou les vaches fraîches «un peu molles») jouent un rôle très important et trop souvent sous-estimé voire oublié.
Des coûts aussi indirects Souvent, seul l’aspect économique affectant directement les troupeaux est considéré. Néanmoins, il y a d’autres facteurs qu’il est important de mentionner car ils jouent un rôle indirect mais tout aussi pénalisant. En effet, un produit de moindre qualité, comme un lait avec un haut taux de cellules, engendre des denrées alimentaires de moindre qualité et est donc moins rémunéré. Certaines maladies peuvent être transmises à l’homme (zoonoses) et toucher de ce fait la santé de la population ou/et la confiance du consommateur, poussant ce dernier à se détourner de certains produits ou types de production. Certaines situations peuvent même inciter ou obliger le législateur à mettre en place de nouvelles règles et directives. Enfin, il convient de ne pas négliger le coût psychologique et la surcharge émotionnelle perçus au sein des exploitations quand les maladies se succèdent et que plus rien ne va.
Chaque maladie est pénalisante et diminue inexorablement la rentabilité de l’atelier concerné. Par contre, les pathologies n’ont pas toutes le même impact financier. En plus du coût spécifique de chaque maladie, la fréquence avec laquelle cette dernière survient au sein d’un troupeau est déterminante. Selon une étude menée en France, les mammites et la problématique de la qualité du lait sont les plus influentes (lire l’article ci-dessous), suivi par les troubles de la reproduction et les perturbations métaboliques. Une approche chiffrée même approximative devrait être menée dans chaque exploitation afin de décider de manière objective où, comment et avec quels moyens, notamment financiers, il convient d’intervenir.
Indicateurs sur la fertilité Une reproduction maîtrisée est la clé de voûte d’une bonne rentabilité. Les pathologies cliniques et les frais directs (rétentions placentaires, métrites, nombre d’inséminations, hormones, travail) sont bien réels lors de troubles de la reproduction mais restent négligeables en comparaison au manque de performance du troupeau qui en découle. Les jours en lait moyen du troupeau sont un bon indicateur pour chiffrer ce manque. On considère que, pour une production quotidienne moyenne de 30 kg par vache, on perd 0,4 kg de lait tous les 5 jours de retard, au-delà de 160 jours. A titre d’exemple, un troupeau de 50 vaches en lactation avec 195 jours en lait moyen subit un manque à gagner de 2800 francs mensuel avec un prix du lait de 67 ct/kg. Cette chute de production engendre une double pénalité en diminuant en plus l’efficacité alimentaire et, de ce fait, la marge sur coût alimentaire (revenu du lait auquel on soustrait le coût de la ration). Le taux de gestation (taux de saillies multiplié par le taux de conception) est un autre indicateur facilement calculable et qui peut être utilisé pour chiffrer un éventuel potentiel d’économie. Chaque chute d’un point de taux de gestation engendre une perte estimée à près de 27 francs par vache et par an.
Les troubles métaboliques (hypocalcémie, cétose) suivent la même logique de coûts que les autres pathologies. Dans le cas de l’hypocalcémie il est estimé que 4 à 6% des vaches peuvent présenter une forme clinique contre 40 à 50% pour la forme subclinique. Cette hypocalcémie silencieuse n’est pourtant pas anodine. Les facteurs de risques qui en découlent sont considérables. Elle représente en effet un facteur de risque important pour de nombreuses autres maladies. A titre d’exemples, une vache en hypocalcémie voit ses risques de développer certaines pathologies être multipliés par un facteur 4 pour une métrite, un facteur 3,4 pour une rétention placentaire ou un facteur 3 pour un déplacement de caillette.
Mieux vaut prévenir que guérir Même s’il est illusoire de penser qu’il est possible d’éviter toutes les pathologies, une réduction de leur fréquence au moyen de contrôles et de mesures préventives adaptées à chaque structure est indispensable pour améliorer ou optimiser les résultats financiers des exploitations. Afin de mener une action efficace il est recommandé de se concentrer sur les maladies les plus fréquentes au sein de l’exploitation. Il est, par exemple, important de garder à l’esprit que la majorité des maladies concernent des individus dans la phase péri-partum. Une optimisation de cette période cruciale peut rapidement être rentabilisée. Luc Gerber, Farmconsult, le 15 septembre 2023.
__________________________________________ LES MAMMITES ONT UN FORT IMPACT ÉCONOMIQUE
Les mammites cliniques sont une des maladies les plus fréquentes au sein des troupeaux laitiers. Une étude menée par la Haute école des sciences agronomiques, forestières et alimentaires (HAFL) et Swissgenetics en 2006 a estimé le coût d’une mammite à 532 francs par cas. A titre comparatif, une autre étude nord-américaine (2015) a chiffré ce montant à 444 dollars (396 francs). Ici également, de nombreux facteurs peuvent influencer cette valeur (exploitation, stade de lactation, rang de lactation, germe concerné, etc.). Afin de déterminer avec précision «où se cache le diable», une analyse plus détaillée de ce montant est primordiale.
Les coûts engendrés peuvent être répartis en deux catégories principales, les coûts directs et indirects (voir le tableau ci-contre). Il est intéressant d’observer que les coûts directement liés à la pathologie ne représentent «que» 29% des dépenses engendrées. La grande partie des pertes est provoquée par une diminution de la production laitière et une augmentation des réformes prématurées. Ce dernier paramètre influence directement d’autres ateliers de l’exploitation et notamment l’élevage des génisses qui doit venir compenser les départs prématurés de certaines vaches en lactation, engendrant ainsi toute une cascade de charges supplémentaires imprévues (augmentation du nombre de génisses à élever, plus de fourrage, plus de place dans les bâtiments, plus de travail, etc.).
Pour les mammites subcliniques – avec un lait normal mais un taux cellulaire élevé – les pertes sont certes moins visibles mais l’impact économique reste considérable. En effet, le taux cellulaire mesuré dans le lait est lié directement à la production laitière. Plus une vache aura de cellules moins elle produira de lait. A titre d’exemple une vache avec un taux cellulaire de 750 000 cellules/ml produira environ 1,6 kg de lait par jour de moins qu’une vache saine. Même si la démarche est moins précise, il est également possible de faire cet exercice avec le lait de tank. Toute tranche de 100 000 cellules/ml au-dessus de la valeur seuil de 150 000 engendrera une diminution de production de 1,5%. Le QR code ci-dessous mène à un calculateur qui permet d’estimer rapidement les éventuelles pertes au sein d’un troupeau en fonction du taux de cellules dans le tank.
LG, le 15 septembre 2023. 

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