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Il est désormais possible de se marier tout en collaborant en communauté


Avant 2023, on pouvait former une communauté d’exploitation avec son frère, sa sœur, son père ou sa mère, mais pas avec son conjoint. Une exception qu’une modification légale corrige désormais.


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Passée discrètement dans la foulée de la publication du train d’ordonnances 2022, une petite modification de l’Ordonnance sur la terminologie agricole (OTerm) mérite attention. Depuis le 1er janvier 2023, en effet, l’alinéa 3 de l’article 2 (lire l’encadré) a été définitivement abrogé. Désormais, les couples à la tête de deux exploitations distinctes pourront fonder, eux aussi, une communauté complète ou partielle d’exploitation.

Des conjoints pourront donc collaborer au même titre que n’importe quels autres collègues, sans qu’une des exploitations ne se fonde dans la seconde ou qu’un statut particulier ne soit créé en cas de mariage ou de partenariat enregistré. Pour rappel, dans un premier temps exclue, la possibilité pour des partenaires vivant sous le même toit de gérer chacun une exploitation (pour autant qu’elle soit autonome et indépendante au sens de l’art. 6 de l’OTerm) a été introduite en 2014. Cette évolution représentait déjà un premier progrès.

Meilleure assise
Selon plusieurs sources issues du conseil agricole, la nouvelle modification de l’OTerm ne concernerait, en fait, que quelques cas. Pour ceux-ci, toutefois, plusieurs avantages se dessinent: rationalisation, élargissement des conditions d’échelonnement de la contribution de base ou meilleure assise financière. Quant à la simplification administrative mise parfois en exergue, elle s’avère cependant toute relative. Si un décompte de paiements directs et une seule comptabilité sont en effet exigés pour la communauté, chaque exploitant conserve toutefois un chapitre propre (immeubles, amortissements, frais généraux, etc.) pour lequel des obligations doivent être remplies. D’autres questions doivent aussi être gérées au fur et à mesure, comme, par exemple, celle des investissements communs.

Exigences maintenues
Lors de la création d’une communauté, cette récente abrogation permettra-t-elle d’éviter la contrainte de fournir la preuve de l’indépendance et de l’autonomie des exploitations? Non. Car si, en effet, les exigences citées dans l’alinéa 3 sont désormais obsolètes, seules deux ou plusieurs exploitations «autonomes sur les plans juridique, économique, organisationnel, financier et aussi indépendantes d’autres exploitations», peuvent prétendre former une communauté. 

En outre, puisqu’il existe cette nouvelle perspective, il serait judicieux de connaître quel régime matrimonial s’avère le plus favorable. «La disposition étant récente, peut-être n’en avons-nous pas imaginé tous les contours, mais, à mon avis, le régime choisi importe peu car l’exploitation est considérée comme un bien propre (si acquise au sein de la famille pendant ou avant le mariage) que chacun pourra reprendre en cas de divorce», suggère Jonathan Amstutz, de la Chambre neuchâteloise d’agriculture et de viticulture.

D’autres conseillent d’emblée de se marier sous le seul régime de la séparation de biens.
Martine Romanens, le 3 février 2023.
 
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Ce qui est abrogé
Avant le 1er janvier 2023, l’al. 3 de l’art. 2 de l’OTerm s’articulait ainsi: «Lorsque des époux non séparés, des concubins non séparés ou des personnes liées par un partenariat enregistré non séparées gèrent plusieurs unités de production, ces dernières forment une seule exploitation». En 2014, il avait été modifié de la façon suivante: «Sont exceptées les entreprises agricoles qui constituent un bien propre de l’un des deux membres de la communauté et qui continuent à être exploitées de manière autonome et indépendante d’autres exploitations».
MR, le 3 février 2023.

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Pas de problème selon l’OFAG
Suite à cette modification de l’OTerm, existe-t-il un risque pour des partenaires fonctionnant déjà en communauté – jusqu’ici contraints de ne pas le laisser transparaître – qui sauteraient le pas au vu de conditions devenues favorables? Ils pourraient se voir accusés d’avoir contourné la loi et bénéficié de paiements directs supplémentaires. Une clause mentionnant qu’il est possible de posséder une exploitation par personne (et non par couple) aurait, par exemple, pu être inscrite avec effet rétroactif, afin d’éviter tout risque de sanctions – qui peuvent porter, on le rappelle, sur les cinq années précédentes.
 
Plus de cas qu’il n’y paraît
L’Office fédéral de l’agriculture (OFAG), mis devant cette éventualité, ne voit pas de nécessité d’agir. «Nous n’avons pas connaissance de cas problématiques concernant d’éventuelles demandes de remboursement de paiements directs ou d’aides à l’investissement», indique la porte-parole de l’OFAG, Florie Marion.

Selon d’autres échos pourtant, un problème se pose pour les couples sur lesquels des procédures ont été engagées durant les années précédentes. Si le nombre de cas concernés semble de prime abord très faible, celui-ci pourrait, en réalité, s’avérer bien plus important. Ne sont, par exemple, pas inventoriés les couples qui ne se sont pas formés par peur de perdre les paiements directs, les cas qui ont choisi le divorce au moment d’hériter d’un deuxième domaine ou ceux pour lesquels un enfant a été placé à la tête de l’exploitation pour pallier l’incapacité du conjoint à encaisser la totalité des paiements directs.

Certains dénoncent donc cette pression sur le choix de son partenaire de vie, «plus dévastatrice sur le plan psychologique que le fait de contourner les règles de réduction des paiements directs». Quelle est la réelle proportion des cas où le couple a résisté et engendré un cas «officiel»?

Sous un autre aspect cette fois, certaines perspectives questionnent, dont, par exemple, celles d’exploitations fusionnées «de force» que des propriétaires pourraient vouloir, à l’avenir, gérer séparément.

Même dynamique que le couple
Puisque la chose est désormais possible, comment s’engager, en couple, de façon optimale en communauté? Selon la vulgarisation agricole, la nécessité de communiquer ouvertement et la tolérance semblent des prérequis indispensables. «Une bonne capacité à séparer les sujets est également primordiale», indique Philippe Charrière, conseiller agricole à Grangeneuve.

«Dans tous les cas, des divergences vont apparaître et, pour le coup, souvent sur plusieurs tableaux. Quand bien même une séparation n’a pas pour cause un conflit, une communauté est toujours limitée par une retraite ou le décès d’un des deux partenaires», poursuit le conseiller. L’arrivée d’enfants redistribue également les cartes.

Selon Philippe Charrière, une très forte ouverture d’esprit est nécessaire. «Les schémas que l’on recense au sein des couples se reproduisent dans les communautés. Certains ont besoin d’une grande autonomie et de transparence quand d’autres préfèrent ne rien savoir et déléguer la gestion à l’autre exploitant.»
 
Réfléchir régulièrement
Fonctionner en communauté, c’est aussi restreindre sa liberté de décision et devenir solidaire des engagements financiers. En outre, face à l’éventualité d’une dissolution, le risque de s’acquitter de frais élevés plane.

Quel que soit le projet, Philippe Charrière propose de se laisser conseiller par une personne extérieure. «Il ne faut pas oublier non plus de procéder à de régulières remises en question, au minimum chaque année, lors du bouclement comptable, par exemple.»

Pas plus de 75% à l’extérieur
Pour rappel, selon l’OTerm, par communauté d’exploitation, on entend le groupement de deux ou plusieurs exploitations lorsque les conditions suivantes sont remplies:
– la collaboration est réglée dans un contrat écrit;
– les exploitants gèrent la communauté pour leur compte et en assument le risque commercial;
– les exploitants travaillent pour la communauté et ne sont pas occupés à plus de 75% à l’extérieur;
– les centres d’exploitation des exploitations concernées sont éloignés, par la route, de 15 km au maximum;
– avant de constituer la communauté, chaque exploitation atteint la charge de travail minimale de 0,20 UMOS.
MR, le 3 février 2023.


 

 

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