Menu
 

Une nouvelle piste d’approvisionnement


Le phosphore est un élément nutritif capital pour la croissance des plantes mais également pour le fonctionnement biologique de tout être vivant. Ne bénéficiant d’aucun gisement naturel, la Suisse est dépendante des importations d’engrais phosphatés.


ag36_dossier_fumure_LS


L’importation d’engrais phosphatés est problématique pour plusieurs raisons, notamment car ces engrais importés ne respectent pas toujours les valeurs légales en termes de polluants et métaux lourds (uranium, cadmium). A la suite d’un contrôle de marché effectué en 2015 par l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG), l’on apprenait que près de la moitié des engrais importés dépassaient les valeurs limites. De plus, la majorité des engrais proviennent de zones instables au niveau géopolitique. Le Maroc possédait, jusqu’à la découverte récente d’un gigantesque gisement norvégien, à lui seul près des trois quarts des ressources en phosphore de la planète. La Chine, quant à elle, se positionne en première productrice de phosphates bruts. En cas de guerre ou de catastrophe naturelle, l’approvisionnement serait remis en question. De plus, les boues d’épuration (qui contiennent du phosphore) ont été interdites d’épandage direct en 2006 et les sols agricoles ne bénéficient donc plus de cette source de phosphore.

En 2016, sous l’impulsion d’une nouvelle ordonnance sur la limitation et l’élimination des déchets, il a été défini que la Suisse devra boucler le cycle du phosphore en récupérant celui contenu dans les eaux usées, les boues d’épuration et les cendres, et ce, à partir de 2026. En Suisse et selon l’Office fédéral de l’environnement (OFEV), le but à long terme est «de récupérer au moins autant de phosphore qu’il en est actuellement importé via les engrais minéraux et les produits chimiques». Le module «Déchets riches en phosphore» offre aux Cantons et aux organisations économiques concernées une base sur laquelle se fonder dans le cadre de la récupération du phosphore en vue d’une application la plus homogène possible. Ce document traite autant les exigences légales que l’état actuel de la technique.

En parallèle, une nouvelle piste a été publiée début juillet 2023 par la Recherche agronomique suisse, celle du recyclage du phosphite de calcium en engrais phosphaté. Le phosphite de calcium (Phi-Ca) est un sous-produit industriel généré par certaines entreprises suisses. Le phosphite, tout comme le phosphate, est prélevé par les plantes dans la solution du sol. En revanche, il ne peut pas être métabolisé et présente même un risque de phytotoxicité. Il doit donc d’abord être oxydé en phosphate pour être utilisé comme engrais. Certains micro-organismes du sol ont cette capacité. Mais cette oxydation a-t-elle des impacts négatifs sur la vie du sol et les plantes? Pour répondre à ces questions, Agroscope a mis en place un essai en serre. L’hypothèse de base est que des flores microbiennes de deux types de sol distincts (sol sableux, sol argileux) et cultivés avec différentes espèces d’engrais vert peuvent oxyder le phosphite afin de fournir du phosphate pour une culture de maïs qui suivrait (annulant ainsi le problème de phytotoxicité). Les conséquences de cette oxydation sur la biomasse aérienne, la fertilité biologique du sol et le phosphore disponible ont été analysées.

Deux procédés de fertilisation ont été testés (l’un avec du Phi-Ca, l’autre avec un engrais de référence le super triple phosphate). Les résultats publiés par Agroscope sont encourageants: le Phi-Ca a influencé la biomasse microbienne et la minéralisation de la matière organique de manière similaire au super triple phosphate. De plus, le Phi-Ca a augmenté les teneurs en P disponible pour la culture suivante de façon similaire au super triple phosphate dans le sol sableux et de manière plus importante encore dans le sol argileux. Cette étude montre également que le temps d’une culture d’engrais vert est suffisant pour oxyder le phosphite en phosphate et que l’effet positif de l’engrais vert sur la culture de maïs n’a pas été affecté par le phosphite. Pour respecter la nouvelle ordonnance, qui entrera en vigueur en 2024, l’oxydation de la totalité du phosphite en phosphate devrait, si l’on se lance dans cette technique, être finalisée durant le procédé de fabrication de l’engrais phosphaté (et non dans le sol).

D’après Agroscope, les résultats de l’étude suggèrent que cette alternative est envisageable. «Il semble fort probable qu’un sel de phosphite puisse être oxydé en quelques semaines en présence d’un support organique (compost, fumier, lisier ou résidus de méthanisation). La pureté du Phi-Ca permettant d’obtenir l’engrais phosphaté éviterait ainsi les problèmes de métaux lourds inhérents aux engrais importés. De plus, avec cette technique, l’engrais phosphaté obtenu remplirait les conditions d’homologation d’un engrais de recyclage (teneur en phosphite inférieure à 0,5%)», précisent les chercheurs.

Un produit indigène intéressant

Le phosphite de calcium est un co-produit de l’hypophosphite de sodium. En Suisse, seule l’entreprise Febex SA, basée à Bex (VD), produit de l’hypophosphite de sodium. Le reste de l’hypophosphite utilisé par l’industrie est importé en Suisse et provient principalement de Chine. L’hypophosphite de sodium est produit à partir d’un mélange de soude, de chaux et de phosphore. Séparé de ces sous-produits et purifié, il sert par exemple au nickelage de pièces métalliques ou plastiques dans le domaine de l’industrie mécanique automobile. D’autres applications sont possibles dans de multiples secteurs: agent antioxydant, anti-jaunissement, agent de nettoyage, composant fibre de verre, polymère, isolation des bâtiments, etc. Pendant la production, Febex explique sur son site internet que «le phosphite de calcium est séparé de l’hypophosphite de sodium par filtration, puis séché. On obtient ainsi un produit très riche en phosphore».
Lorraine Sutter, le 8 septembre 2023.


________________________________________
RÉVISION DE L'ORDONNANCE SUR LES ENGRAIS

Avec l’entrée en vigueur du nouveau règlement de l’Union européenne (UE) établissant les règles relatives à la mise à disposition sur le marché des fertilisants de l’UE, la Confédération révise son ordonnance sur les engrais.

Il a en effet été déterminé qu’une révision totale de l’Ordonnance sur les engrais (OEng) était nécessaire dans le but d’éviter les entraves au commerce. Pour cette révision, le règlement européen a été, dans les grandes lignes, repris ou adapté au contexte helvétique. Les prescriptions suisses déjà existantes en termes de qualité et de durabilité restent en vigueur. La révision de l’OEng a été réalisée dans le cadre du train d’ordonnances agricoles 2023. Les adaptations et nouveautés entreront en vigueur le 1er janvier 2024. La procédure de consultation s’est terminée en mai de cette année. En résumé, les modifications concerneront l’ajustement du système d’autorisation, la dénomination des engrais et la structure de l’ordonnance. L’ordonnance du Département fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche sur la mise en circulation des engrais (Ordonnance sur le Livre des engrais) est abolie et le contenu pertinent est intégré à l’OEng. Selon la nouvelle ordonnance, l’usage de phosphite de calcium sous forme de bio stimulant sera interdit à partir du 1er janvier 2024 (source Agroscope). L’ajout de phosphite de calcium à un engrais sera également interdit à partir de 2024.
LS, le 8 septembre 2023.
 


_______________________________________
QUELQUES DÉFINITIONS À SAVOIR

Les produits considérés comme engrais sont définis dans l’OEng. Les engrais sont soumis à homologation obligatoire afin que les effets secondaires dommageables pour l’environnement et les êtres vivants puissent être déterminés. L’OFAG est l’office compétant pour leur homologation. Celui-ci examine le dossier, confirme les annonces ou délivre les autorisations de mise en circulation des engrais. L’ordonnance sur la mise en circulation des engrais définit un bio stimulant comme un produit qui stimule les processus de nutrition des végétaux indépendamment des éléments nutritifs qu’il contient. Son seul but est d’améliorer une ou plusieurs des caractéristiques suivantes des végétaux ou de leur rhizosphère: l’efficacité d’utilisation des éléments nutritifs; la tolérance à un stress abiotique (provoqué par des changements ou des conditions environnementales extrêmes); les caractéristiques qualitatives; la biodisponibilité des éléments nutritifs confinés dans le sol ou la rhizosphère. L’engrais, lui, est défini comme étant une substance servant à la nutrition des plantes, dont ils facilitent la croissance, augmentent le rendement ou améliorent la qualité. Pour terminer, dans le jargon agronomique, l’on parle d’amendement comme étant une substance qui a pour effet d’améliorer les propriétés physiques des sols auxquels on l’incorpore et peut en modifier les propriétés chimiques et biologiques pour le rendre plus fertile (source: Larousse). Il est issu de la décomposition des engrais de ferme ou de déchets organiques mais peut aussi être minéral (lorsque l’on parle d’amendements calcaires par exemple).
LS, le 8 septembre 2023.

 

E-Paper & Archives

Cette semaine dans Agri

 

Prix du marché

Chaque semaine, suivez l'évolution des prix du marché de la viande, en conventionnel ou sous label: bovins, porcs, ovins. Consultez aussi les prix de la vente directe, des marchés surveillés et de Proviande.

Conseil de saison

Conseil de saison

Le conseil de saison est disponible le mercredi, toutes les deux semaines, avant parution pour nos abonnés.

Voyages

Le Tyrol, les Açores, ou plus proche de nous la région de Grenoble, Agri vous a concocté un programme de voyage riche et varié pour 2023. Les deux derniers voyages au programme sont déjà complets. Les candidats supplémentaires seront mis sur une liste d'attente. Pour en savoir plus...

Agri - Hebdomadaire professionnel agricole de la Suisse Romande
Site web réalisé par www.webexpert.ch

Actualités

Cette semaine

Dossiers

Prix du marché

Photos

Vidéos

Archives

Voyages

A table

Boutique