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Comment améliorer la performance reproductive de ses vaches laitières


A Vicques (JU), Pierre Grolimund a constaté des problèmes de fertilité au sein de son troupeau. Pour y remédier, il a fait appel à l’entreprise Farmconsult.


performance reproductive


Depuis 2020, Pierre Grolimund a constaté une nette dégradation des performances reproductives de son troupeau de vaches Holstein. "Les nombres de premières et deuxièmes inséminations ont augmenté sans explication", précise l’éleveur de Vicques (JU). "Le taux de réussite de mes inséminations, qui se situait auparavant entre 50 et 60%, a chuté entre 10 et 20%!" A tel point qu’aujourd’hui, la fertilité représente 80% des causes de réforme dans son troupeau. "Ce sont des réformes subies et non choisies", regrette-t-il.

Nombreuses analyses
L’exploitation familiale fait l’objet d’un suivi de troupeau de la part de son vétérinaire, à la Clinique du Vieux-Château, depuis 25 ans. "Avant moi, mon père avait déjà recours à ces prestations régulières pour assurer le suivi des vaches, la santé de leurs pieds et de leurs mamelles, ainsi que la reproduction", explique Pierre Grolimund. Lorsque sont apparus ces problèmes de fertilité, il a réuni son vétérinaire ainsi que le spécialiste en nutrition animale qui calculait ses plans d’affouragement pour trouver avec eux des solutions. "Nous avons recalculé les rations des vaches laitières, des taries, des génisses", relève-t-il. "Nous avons aussi vérifié la qualité de l’eau et effectué des analyses sanguines pour vérifier les principaux facteurs qui peuvent influencer la reproduction."

Ces analyses n’ont mis en évidence aucune carence en oligo-éléments, en vitamines, ni en bêtacarotène. La leptospirose (maladie des rongeurs) a également pu être écartée. "Nous avons par contre appris que la coxiellose était présente dans mon troupeau", explique Pierre Grolimund. Son vétérinaire a obtenu une autorisation pour vacciner ses vaches, ce qui a abouti à une amélioration temporaire de la situation. "Pendant six mois, les taux de réussite des premières et deuxièmes inséminations étaient à nouveaux bons, avant de retourner à des valeurs insatisfaisantes."

La technique et le matériel d’insémination ont aussi été vérifiés. Alors qu’il pratiquait lui-même les inséminations, Pierre Grolimund s’est aussi demandé si le problème ne venait pas de lui-même. Mais le recours à un inséminateur extérieur n’a pas amélioré la situation.

Un œil nouveau
Comme l’éleveur avait l’impression de tourner en rond sans trouver de solution à son problème, il a fait appel à Luca Fabozzi, vétérinaire nutritionniste de l’entreprise Farmconsult. "Je voulais qu’il jette un œil extérieur, un regard neuf et neutre", note Pierre Grolimund, en relevant l’expérience acquise par ce vétérinaire, à l’étranger comme en Suisse. "Je voulais qu’il reprenne tout depuis le début, sans être influencé. De nombreux représentants proposent des produits miracles, sans connaître les fondamentaux ni prendre en compte l’exploitation dans son intégralité.»

De nombreuses mesures d’amélioration avaient déjà été prises. Le confort des vaches dans la stabulation est bon. L’accès à l’eau avait été amélioré, tout comme la ventilation du bâtiment. La santé des onglons est également maîtrisée. "Les boiteries et le stress thermique influencent négativement la fertilité", indique Luca Fabozzi. "Comme cela posait peu de problèmes chez Pierre Grolimund, j’ai décidé de me concentrer sur les principaux facteurs influençant la reproduction, à savoir la maîtrise de l’ingestion, des amaigrissements et des équilibres nutritionnels."

Il a ainsi des pistes d’amélioration, notamment dans la gestion de la période péripartum, c’est-à-dire durant la période de préparation au vêlage ainsi que le début de la lactation. "Cette phase de transition joue un rôle central sur la fécondité."

Hypocalcémies et amaigrissements
Luca Fabozzi a montré que les vaches fraîches vêlées souffraient d’hypocalcémies subcliniques. Sans présenter de réels symptômes de fièvre du lait, leurs taux de calcium dans le sang s’avéraient insuffisants. "L’objectif est que les fraîches vêlées aient au moins 2,16 mmol de calcium par litre de sang", précise Luca Fabozzi. "Chaque diminution de 0,1 mmol/l diminue de 30% les chances de réussite d’une insémination."

Autre constat fait par le spécialiste: les vaches présentaient un état corporel excédentaire avant tarissement, puis subissaient d’importants amaigrissements en début de lactation, avec une lipomobilisation excessive. "Comme les vaches portent difficilement, elles restent en lactation plus longtemps. Si la densité énergétique n’est pas adaptée au stade de lactation du troupeau, cela entraîne un engraissement en fin de lactation, qui influence négativement la fertilité des vaches", relève Pierre Grolimund. "Il faut se sortir de ce cercle vicieux!"

Ration en préparation de vêlage
La principale adaptation adoptée par Pierre Grolimund est une modification de la ration des vaches durant les trois semaines précédant leurs vêlages, avec une augmentation des apports de protéines et un équilibrage des apports de calcium en fonction de la balance cations anions (BACA). L’ajout d’acides aminés essentiels permet en outre de booster l’ingestion.

"Nous avons aussi légèrement revu la ration des vaches en production", poursuit Pierre Grolimund. "Pour maintenir une bonne persistance de production tout en limitant la prise d’état corporel, les vaches en fin de lactation reçoivent une complémentation au robot moins riche en énergie et plus riche en protéines."

Ces améliorations ont été apportées très récemment. "Nous n’avons pas encore de recul quant à l’efficacité de ces mesures", souligne Pierre Grolimund. "Mais après les vaches qui ont bénéficié de la nouvelle ration en préparation de vêlage ne présentent plus d’hypocalcémies subcliniques. C’est encourageant."
Vincent Gremaud, le 17 novembre 2023.


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CONFIANCE AFFICHÉE
Vétérinaire nutritionniste de Farmconsult, Luca Fabozzi souligne l’importance de la motivation et de l’engagement de l’agriculteur dans la réussite des mesures prises pour améliorer la fertilité d’un troupeau. "Pierre Grolimund est un éleveur exigeant, dans le bon sens du terme", explique le spécialiste. "C’est un sélectionneur de pointe qui possède d’excellents animaux. Sa moyenne de production de lait par vache est bonne et beaucoup d’autres, à sa place, s’en seraient satisfaits. C’est d’autant plus remarquable qu’il cherche activement des pistes d’amélioration." Luca Fabozzi relève aussi la disponibilité et l’esprit collaboratif de l’éleveur jurassien. Le vétérinaire se dit très confiant quant aux résultats attendus de cette collaboration. "Cela prend plusieurs mois pour pouvoir mesurer l’impact réel des mesures prises et vérifier que les objectifs soient atteints", relève Luca Fabozzi, "Les premiers résultats montrent déjà une amélioration de la calcémie péripartum."
VG, le 17 novembre 2023.


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«TOUT CE QUI NE SE MESURE PAS NE PEUT PAS ÊTRE ÉVALUÉ»

Interview
LUCA FABOZZI

Médecin vétérinaire de la société Farmconsult

> Depuis quand l’entreprise Farmconsult propose-t-elle ses conseils en reproduction?
L’objectif de Farmconsult est d’aider les agriculteurs à améliorer l’efficacité technique et économique de leur troupeau. La reproduction est une pierre angulaire pour y parvenir, raison pour laquelle, nous abordons ce sujet depuis la création de notre entreprise en 2019. Les producteurs de lait nous mandatent avant tout pour améliorer les performances économiques de leur troupeau, mais la reproduction et la qualité du lait se partagent les 2e et 3e rangs des causes des appels que nous recevons.

> Comment se déroulent vos prestations de conseil en reproduction?
Avant tout, nous avons besoin de mesures objectives pour établir un bilan de la situation initiale. Plus nous avons de données, plus cohérentes sont nos interprétations. Tout ce qui ne se mesure pas ne peut pas être évalué. Nous recueillons les dates des vêlages, des saillies, le nombre d’inséminations, etc. A partir de ces données d’inséminations ainsi que des données des contrôles laitiers, nous pouvons dresser une photo de l’élevage, calculer les principaux indicateurs et fixer des objectifs à atteindre.

> Justement, quels sont les principaux indicateurs qu’il convient de considérer?

Il y a plusieurs indices intéressants. Le taux de conception, qui résulte du rapport entre le nombre de gestations confirmées et le nombre total d’inséminations, exprime la réussite de ces inséminations. Mais selon moi, le plus important indicateur est le taux de gestation (Tg). Ce dernier correspond au rapport entre le taux de détection des chaleurs et le taux de conception. Le Tg dépend de l’ensemble des facteurs de réussite de la reproduction. Il faut voir les chaleurs et réussir l’insémination. En ce sens, cet indicateur est une synthèse de la reproduction. Un autre indicateur est également digne d’intérêt pour établir un bilan économique: il s’agit du nombre moyen de jours en lactation.

> Quels sont les objectifs à viser pour ces indicateurs?

Normalement, le taux de conception doit atteindre au moins 50% sur l’ensemble du troupeau. Il convient de différencier cet indicateur pour les vaches qui ont déjà vêlé et pour les génisses. Pour ces dernières, on peut être plus exigeants et viser un taux de conception de 70 à 75%. Quant au taux de détection des chaleurs, il devrait atteindre 60% au moins. Pour déterminer ce taux, il faut diviser le nombre de vaches inséminées par le nombre de vaches éligibles à l’insémination. On ne tient ainsi pas compte des vaches qu’on n’insémine pas parce qu’on a prévu de les réformer ni des vaches en période d’attente volontaire, après un vêlage. En moyenne, cette période d’attente volontaire ne doit pas dépasser 50 à 55 jours. Enfin, pour être efficace économiquement, un troupeau devrait présenter un nombre moyen de jours en lactation de l’ordre de 160 à 165 jours.

> Quels sont les principaux points à vérifier lorsqu’on a des problèmes de reproduction?

Je vois trois principales raisons des problèmes de reproduction. Tout d’abord, il faut veiller à tout ce qui est lié à l’acte d’insémination. Il s’agit non seulement de la technique d’insémination, mais aussi du moment choisi pour la pratiquer. Ensuite, il faut considérer les facteurs sanitaires. Certaines maladies peuvent influencer grandement la reproduction. Enfin, la gestion péripartum est cruciale. La fin du tarissement et le début de la lactation représentent la période clé pour booster les performances de reproduction.

> Les problèmes de fertilité sont-ils très fréquents dans les exploitations?

Oui. Ils sont vraiment très fréquents et généralement sous-estimés pour deux raisons. Tout d’abord parce que certains éleveurs ne comptent simplement pas les inséminations et ignorent les indicateurs importants. L’autre raison est due à une légende qui a la peau dure. On pense souvent que l’intensité de production laitière est inversement proportionnelle à l’efficacité reproductive. C’est faux! Il est possible d’avoir des vaches de haute production sans problème de reproduction.

> Peut-on chiffrer les conséquences économiques des problèmes de fertilité?

Si les coûts directs des inséminations sont moins élevés, une mauvaise efficacité reproductive engendre un manque à gagner considérable. Selon des références internationales, quand on s’éloigne de l’objectif de 160 jours de lactation de moyenne de 5 jours, cela correspond à une diminution de la production laitière par vache de 400 g par jour. Rapportés à l’ensemble du troupeau, les montants en jeu sont conséquents.
Propos recueillis par Vincent Gremaud, le 17 novembre 2023.

 

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