La maladie de Mortellaro affecte trois troupeaux laitiers sur quatre
Selon une étude réalisée par l’Université de Berne, près de 30% des vaches laitières suisses souffrent de la maladie de Mortellaro.
Plus de 70% des troupeaux comptent au moins une vache atteinte.
Entre 2010 et 2011, Johanna Becker, alors doctorante à la clinique des ruminants de l’Université de Berne, a mené, avec quelques collègues et la collaboration de l’Association suisse des pareurs d’onglons (Aspo), une étude sur les boiteries et les affections des onglons qui touchent les troupeaux laitiers en Suisse. Les chiffres qui ressortent sont préoccupants. Quasiment toutes les exploitations (98,7%) détiennent au moins une vache ayant des problèmes aux onglons.
Parmi les causes de boiterie, la maladie de Mortellaro, aussi appelée dermatite digitée, est celle qui inquiète le plus. Contagieuse (voir ci-dessous), elle s’est très fortement répandue en Suisse ces dernières années. Johanna Becker a ainsi mis en évidence que 29,1% des vaches étaient atteintes et que 73,1% des troupeaux laitiers contenaient au moins une vache souffrant de dermatite digitée.
Maria Welham Ruiters, du Service sanitaire bovin (SSB), précise que «dans d’autres pays, comme en France ou aux Pays-Bas, la maladie de Mortellaro est encore plus répandue. Ils ont d’autres structures, des troupeaux plus grands, davantage de stabulations libres, ce qui augmente les risques de contamination». Au Canada, en 2008, une étude montrait une présence de la maladie de Mortellaro dans 97% des stabulations libres et 70% des étables entravées.
Les facteurs de risque
Une partie du travail de Johanna Becker a consisté à comparer l’occurrence de la dermatite digitée avec différents paramètres pour tenter de mettre en évidence des facteurs de risque. Elle a par exemple remarqué une corrélation entre la notation de l’état corporel des vaches (BCS) et l’occurrence de la maladie. Il y avait plus de vaches atteintes par la maladie de Mortellaro parmi les vaches ayant un BCS élevé. Elle explique cette relation par le fait que l’immunité des vaches trop couvertes est plus faible que celle des vaches moins grasses.
L’étude a également démontré une corrélation importante entre la fréquence des parages et l’occurrence de la maladie. Même s’il est difficile de séparer la cause de son effet, la doctorante conclut que les outils utilisés lors des parages peuvent être un vecteur de propagation de la bactérie responsable de la maladie.
La race a également été définie comme un facteur de risque. L’étude a montré que les vaches de race Holstein étaient plus touchées que les Brunes ou les Tachetées rouges. Johanna Becker avance deux explications possibles. D’une part, les Holsteins ont une conformation des onglons plus angulaire. Le bulbe est moins haut, ce qui augmente les contacts entre la zone touchée par la dermatite digitale et le sol. L’humidité du sol ramollit la peau et la corne, facilitant la pénétration des germes. Et ce d’autant plus si le parterre est souillé. D’autre part, elle rappelle que les vaches à haute productivité laitière ont un plus grand risque de désordres métaboliques, comme l’acidose, qui ont un effet négatif sur la qualité des onglons. Ces derniers sont davantage susceptibles d’être infectés.
La prévention
La maladie de Mortellaro étant très contagieuse, il faut tout mettre en œuvre pour ne pas introduire un animal atteint dans un troupeau sain. Avant tout achat de bétail, il faut observer le dessous des pieds. Il faut également se renseigner pour savoir si l’animal a déjà été atteint. En effet, le cas échéant, il est possible que la bactérie se soit enkystée et que la maladie réapparaisse. Il faut également porter une attention particulière lors des expositions ou sur les alpages et autres pâturages communs.
La dermatite digitée se développe surtout lorsque les vaches sont détenues sur des surfaces souillées et humides. «La première des préventions, c’est de faire fonctionner les racleurs et de nettoyer fréquemment toutes les surfaces où les vaches se tiennent», insiste Maria Welham Ruiters.
Une fois que les conditions de propreté du sol sont assurées, il est envisageable d’équiper son étable d’un système pour éviter une propagation importante de la maladie au sein d’un troupeau qui contient un animal atteint. Pour ce faire, il est possible de placer un pédiluve ou un passage à sec (voir ci-dessous). Si elles ne permettent pas de guérir de la dermatite digitée, ces installations restent le moyen le plus répandu et le plus efficace pour prévenir la propagation de la maladie. La vétérinaire du SSB souligne qu’il «faudrait planifier l’installation d’un pédiluve dans chaque nouvelle construction. Par après, il n’est pas toujours facile d’en placer un. Le pédiluve doit être assez long (au minimum 3 mètres) et assez profond (au moins 20 centimètres). Et surtout il doit rester propre. Il faut le vider, le laver et remplacer la solution régulièrement, sinon il ne sert à rien. S’il est très souillé, il peut même aider à la propagation de la maladie!».
Le parage régulier des onglons est également important pour maintenir une bonne santé des membres. C’est d’autant plus vrai que les surfaces de détention sont meubles. Lors des parages, les outils devraient être désinfectés avant chaque nouvelle bête. De même après chaque parage de pied infecté ou ayant été infecté, il faut bien laver et désinfecter les outils.
Des coûts importants
Les vaches souffrant de dermatite digitale ont tendance à passer plus de temps couchées pour soulager leurs pieds. Elles mangent moins, la production laitière diminue et les signes de chaleurs sont également moins visibles. Tout cela engendre des coûts qui, additionnés aux frais vétérinaires, peuvent peser lourd sur les résultats comptables de l’exploitation. Avec un coût moyen estimé à 400 francs par boiterie, la facture peut vite s’avérer très salée.
Vincent Gremaud, 20 mars 2015
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QU'EST-CE QUE LA DERMATITE DIGITÉE?
La maladie de Mortellaro prend souvent l’aspect
d’une fraise entre les talons des onglons.
La maladie de Mortellaro, ou dermatite digitée est une maladie infectieuse très contagieuse, dont l’agent pathogène est une bactérie spirochète. Elle se caractérise par une inflammation de la peau à l’arrière de l’espace interdigité, au niveau des talons des onglons. En cas d’atteinte très forte, les lésions peuvent se propager vers les onglettes et même vers la face antérieure de l’espace interdigité. Elle affecte principalement les membres postérieurs, mais il arrive, notamment dans les troupeaux où la maladie est très présente, que les membres antérieurs soient aussi touchés.
Les symptômes
Au premier stade de la maladie, les symptômes cliniques ne sont pas toujours évidents. La vache ne boite pas et il n’est pas facile de détecter la dermatite digitée. Dès le deuxième stade, les lésions dues à la maladie de Mortellaro sont très douloureuses. La vache atteinte d’une lésion aigüe présente en générale une boiterie importante et a tendance à lever la patte touchée pour la soulager.
La dermatite digitée débute par une lésion rougeâtre. Rapidement, le diamètre de la lésion s’agrandit et elle devient ulcérative. Il y a une perte de poils, une enflure et la dermatite prend l’allure d’une fraise. Plusieurs filaments ressemblant à des poils très épais peuvent faire leur apparition par la suite, ce qui est une manifestation différente de la maladie. Les lésions chroniques ont un aspect de chou-fleur. Les lésions sont souvent nauséabondes à cause des infections secondaires.
Le traitement
Une fois la maladie diagnostiquée dans un troupeau, il faut réagir rapidement pour éviter sa propagation. Tous les animaux doivent être auscultés, y compris les génisses. Ceux présentant les symptômes de la dermatite digitée doivent être traités. Les plaies doivent être lavées et le traitement est appliqué localement. Divers produits existent: des sprays, des crèmes, etc. Les vaches ne guérissent pas de la maladie de Mortellaro. Les bactéries peuvent en effet s’enkyster et la maladie se déclarer à nouveau à la première occasion (faiblesse de l’animal, sols souillés, etc.). Il faut agir rapidement, car plus la maladie évolue, plus les bactéries s’enkystent.
VG, 20 mars 2015
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C'EST VOUS QUI LE DITES
Comment conservez-vous vos vaches indemnes de la maladie de Mortellaro?
Frédéric Waeber
Treyvaux (FR)
Passage à sec à la sortie
de la salle de traite
«J’ai installé un passage à sec à la sortie de ma salle de traite il y a environ un an. Auparavant, j’avais constamment en moyenne 30% de mon troupeau sous traitement. C’était beaucoup de travail, surtout avec les bandages. J’ai alors essayé d’installer un tapis humide mais au bout de trois jours, je l’ai enlevé. Je devais sans arrêt le nettoyer pour que la solution ne se transforme pas en purin. C’est alors que mon conseiller spécialisé m’a proposé de mettre en place un passage à sec.
Les principes sont les mêmes qu’avec un pédiluve, mais au lieu de tremper leurs pieds dans une solution, les vaches marchent dans une couche de poudre. Je fais passer les vaches dans ce produit chaque matin. Il faut au moins 15 cm de poudre pour que l’entier des pieds soit recouvert de poudre à la sortie. Tous les deux à trois jours, je rajoute 15 à 20 kg de poudre. Et quand il y en a une qui fait une bouse dedans, je l’enlève rapidement avec la pelle. Pour les premiers passages, il faut habituer les bêtes, mais maintenant, ce n’est plus un problème. Depuis que j’utilise ce système, je n’ai plus que 10% de mon troupeau en traitement. Je suis content du résultat et c’est très simple à mettre en place. Le seul défaut de ce système, c’est le coût de la poudre. Pour mes 45 vaches, je compte 2000 francs par an. Je ne me suis pas débarrassé de la maladie de Mortellaro: il faut vivre avec! Mais ne rien faire, ça ne va simplement pas. Ce passage à sec ainsi qu’un parage régulier deux fois par an m’aident à maîtriser la maladie.» VG
Daniel Deillon
Vuarmarens (FR)
Pédiluve à la sortie
du robot de traite
«J’ai rajouté un pédiluve à la sortie de mon robot de traite. Mes premières bêtes ont été touchées en 2007. Même le vétérinaire ne savait pas encore ce que c’était. J’ai une bétaillère en commun avec deux autres agriculteurs et nous sommes tous concernés. Sur les 60 à 65 vaches de mon troupeau, j’ai eu plus de 20 bêtes qui boitaient en même temps! Il fallait faire quelque chose. J’ai donc mis en place ce pédiluve automatique. Avec le robot de traite, mes vaches sont habituées à ce genre d’installations. Elles n’ont jamais hésité avant de passer dans le pédiluve.
» Un jour par semaine, il se remplit automatiquement d’eau et de produit; durant les vingt heures qui suivent, les vaches passent dedans à chaque fois qu’elles sortent du robot de traite. Puis il se vide et se rince tout seul. Les autres jours de la semaine, il se rince aussi régulièrement pour rester propre. L’installation m’a coûté 5000 à 6000 francs. Mais je ne les regrette pas! Le seul travail que je dois faire, c’est remplacer le bidon de produit toutes les trois semaines.
» Même si au début, les produits n’étaient pas toujours très efficaces, je suis maintenant très content de ce système. Le pédiluve ne soigne pas mes bêtes de la maladie de Mortellaro, mais c’est un très bon moyen de prévention. Actuellement, je ne traite plus que deux ou trois vaches. L’efficacité du pédiluve est réelle. Une fois, un bidon de produit a gelé. Je n’ai constaté ce problème qu’en remarquant que le nombre de boiteries montait en flèche.» VG
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