Des agroforestiers romands témoignent
Trois agroforestiers romands expliquent les raisons qui les ont poussé à se lancer dans leur projet et témoignent brièvement de leur pratique. Des expériences qui ne datent pas de plus de 4 ans, preuve que le mouvement est tout récent en Suisse. (Sur la photo: David Caillet-Bois d'Agridea et Sylvie Monier de l'Union régionale des forêts d'Auvergne chez l'agriculteur Nicolas Bovet (à g.) à Arnex-sur-Orbes.)
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• L'agroforesterie fait école en Suisse • Les arbres enrichissent la culture • Quels arbres pour quelles cultures
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Nicolas Bovet
Agriculteur
Arnex sur Orbe (VD) | «J’ai été séduit par l’agroforesterie après avoir consulté de la documentation. Je me suis basé ensuite sur le livre de Dupraz (lire ci-contre) et sur internet. Je n’ai pas cherché à obtenir des soutiens car c’est mon projet et je ne veux pas que l’on m’impose des règles. L’agroforesterie mériterait toutefois d’être promue car elle concentre tous les avantages d’une surface écologique et pour l’image de l’agriculture, c’est le top. J’ai choisi des essences pour le bois d’œuvre car j’aime l’arbre bien formé avec un beau tronc et le bois précieux a de la valeur. Le fruitier doit être taillé toute sa durée de vie, alors que pour le bois, ce sont les dix à 15 premières années qui sont chargées. De plus, les débouchés pour les fruits ne sont pas assurés et la récolte des hautes tiges pas pratique. »Je cultive une parcelle de 7,4 ha en agroforesterie avec 250 arbres plantés à l’automne 2011. Les lignes font 2 mètres en bande herbeuse séparées par 27 mètres (29 d’arbre à arbre). De plus, 160 arbres ont été plantés cet hiver sur une parcelle de 4 ha. J’ai mis du BRF sous les plants et ça évite les herbes et les souris. Les essences – une dizaine – sont choisies en fonction de la qualité et de la profondeur du sol. La bande herbeuse est broyée. Comme le brome stérile fait problème dans la région, je le traite à la boille à dos. Une haie transversale ferme le champ pour faire coupe-vent, plantée en bois précieux et arbres têtards alternativement chaque 5 m. Je travaille en sans-labour et je compte passer la sous-soleuse deux à trois années de suite pour éliminer les racines.
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Alain Vulliamy
Agriculteur
Oulens (VD) |
«J’ai été d’autant plus sensible à l’agroforesterie que j’élevais déjà 300 arbres en verger sur prairie extensive avec des fruits anciens et parfois rares. J’aime l’arbre et ce qu’il apporte à la culture, l’équilibre qu’il crée en fournissant de l’humus et en profitant des engrais de la culture qui ne sont ainsi pas lixiviés. Lorsque j’ai commencé en 2010, je me suis senti seul; trouver des informations en Suisse a été difficile. Je me suis tourné vers les documents et sites internet français. La France a déjà 25 ans d’expérience et l’agroforesterie s’y développe rapidement. C’est pareil en Europe. Cela m’a encouragé à me lancer. Je me suis adressé à l’OFAG pour savoir ce qu’il en était et ils m’ont retiré les surfaces d’arbres des contributions. Les sommes en jeu ne sont pas importantes, mais c’est choquant sur le principe, car l’apport écologique de l’agroforesterie est considérable. »J’ai planté 9 ha de bois d’œuvre avec un espacement de 30 mètres entre les lignées d’arbres. Je ne suis pas convaincu par les arbres fruitiers avec grandes cultures car je vois mal comment dans ce cas apporter les soins aux fruits. D’ailleurs en France, on ne fait quasiment que du bois. Pour les racines, étant en sans-labour, je pourrai passer la sous-soleuse, pas les premières années, mais pas trop tard non plus. Ce qui coûte cher, ce ne sont pas les plants, mais plutôt les protections, qui sont d’ailleurs parfois complètement arrachées par le gros gibier. J’ai créé un site pour partager expériences et informations avec les Romands: www.swissagroforestry.com»
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Christophe Viret
Agriculteur
Gollion (VD) |
«Je suis très attentif à la vie de mes sols agricoles et travaille en bio dans une perspective à long terme. De là, on en arrive inévitablement à l’arbre, il s’agit presque d’une évidence. C’est ce qui m’a poussé à me lancer dans l’agroforesterie. Je n’ai pas trouvé beaucoup d’information et de soutien en Suisse, mais peut-être que cela changera demain. Je sème des anciennes variétés de céréales qui sont beaucoup plus résistantes et vigoureuses. Ma culture n’est plus isolée, au contraire de l’agriculture conventionnelle où la céréale se dépatouille seule à coup de chimie. Au sein de cette richesse, l’arbre est l’élément qui favorise les équilibres entre les diverses espèces. J’anticipe également les risques de sécheresse future. J’ai choisi les essences pour le bois d’œuvre sur les conseils d’un garde-forestier. Je ne partirais pas avec des fruitiers en agroforesterie, mais plutôt en permaculture. »J’ai planté 170 arbres à l’automne 2013 (une dizaine d’essences) sur une surface de grande culture de 6,5 ha. Il me reste une centaine d’arbres à planter. Avec la rotation des cultures, ma parcelle se retrouvera un jour semé en herbage. L’espace entre les rangées est de 24 mètres et la rangée fait 2,5 mètres en prairie extensive. Je compte y planter des buissons à baies de goji et d’aronia. Plus tard, je pense y faire du maraîchage sous couvert. Je suis en sans-labour et je ne charrue donc pas la rangée: je compte sur concurrence de la culture pour contraindre les arbres à s’enraciner plus profond.» Propos recueillis par Pierre-André Cordonier, 27 juin 2014
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