L’agroforesterie fait école en Suisse
L’agroforesterie fait son chemin en Europe et, depuis environ 2010, en Suisse. Ce système agricole qui associe arbres et cultures ne date pas d’hier, mais a été supplanté par l’agriculture intensive. Premier volet de notre enquête.
_______________________
_______________________
Le mot a des senteurs tropicales. Il rappelle l’imbrication étroite entre forêt et cultures diverses dans les agricultures anciennes ou exotiques. Et pourtant, si le concept nous revient de loin, l’agroforesterie a été pratiquée en Europe jusqu’à il y a peu, non seulement sous la forme des pâturages boisés que l’on connaît chez nous, mais également en association arbres et grandes cultures. L’agriculture intensive a relégué cette pratique dans les limbes du folklore agraire. Elle est remise à l’honneur aujourd’hui sous la double impulsion des préoccupations environnementales, mais aussi productives. L’agroforesterie moderne associe une culture intraparcellaire d’arbres en rangées régulières à une grande culture, à de l’herbage ou du maraîchage.
Le terme «agroforesterie», qui sonnait étrange aux oreilles des agriculteurs suisses il y a quatre ou cinq ans, leur est devenu un peu plus familier. Dès 2010 en effet, l’idée s’est diffusée dans notre pays depuis les pays voisins, le mouvement étant plus avancé en France et en Allemagne. Selon Félix Herzog, d'Agroscope, et Mareike Jäger, d'Agridea, les expériences les plus conséquentes en Suisse n’excéderaient pas dix ans.
De très bons sols Comme toutes les pratiques qui sortent des itinéraires balisés et simplifiés de l’agriculture intensive, l’agroforesterie est multiple et complexe. Au point que les agriculteurs qui s’y sont lancés disent se réapproprier le métier de paysan et apprendre continuellement. Il leur appartient d’adapter les différents paramètres du projet en fonction de leur situation.
Une condition de réussite est la qualité des sols. De très bons sols, suffisamment profonds, sont nécessaires pour permettre l’enracinement des arbres et éviter trop de concurrence avec la culture. Selon Sylvie Monier, de l’Union régionale des forêts d’Auvergne, spécialiste de l’agroforesterie qui s’exprimait lors d’un cours d’Agridea sur ce thème, il est inutile de tenter l’aventure sur des sols pauvres et peu profonds: «Les arbres doivent pousser et aucun d’eux ne doit vivoter». L’agriculteur choisira ensuite en fonction des paramètres de son exploitation la culture et le type d’arbre qu’il souhaite combiner. Il s’orientera vers les fruitiers, la production de bois d’œuvre ou de bois énergie, avec une bande herbeuse dans la rangée, voire, pourquoi pas, une culture de petits fruits.
Communauté d’intérêt en Suisse L’agroforesterie est encore une technique pionnière en Suisse et s’y engager exige un certain goût du risque, la capacité à s’abstraire du jugement parfois dubitatif des collègues voisins (cela réveillera quelques nostalgies chez les premiers paysans bio) et un fort intérêt pour les arbres. Cela implique aussi de pouvoir se projeter à long terme, particulièrement si on se lance dans le bois d’œuvre. Mais les connaissances et les expériences s’étoffent et l’on peut espérer que, au vu de ses avantages, cette technique culturale s’intègre dans la panoplie des systèmes agricoles durables en Europe.
Pour appuyer le mouvement, les agriculteurs agroforestiers et ceux qui souhaitent s’y lancer sont invités à rejoindre la communauté d’intérêt (CI) de l’agroforesterie suisse sur agroforst.ch, fondée en 2011. Le site fournit notamment les premières études sur des parcelles cultivées selon ce système. La CI met en réseau les acteurs, les soutiens dans la réalisation de leur projet et les suit via un monitoring; elle vise également à améliorer les conditions cadres en faveur de l’agroforesterie. Dans ce premier volet, nous décrirons brièvement les différents systèmes agroforestiers. Dans un deuxième volet, nous exposerons les avantages de ce mode de culture et ferons le tour des questions qu’il soulève ainsi que le point sur les soutiens accordés.
Pierre-André Cordonier, 20 juin 2014
____________________
POUR PLUS D'INFORMATION
Agridea et la CI Agroforst soutiennent l’installation de parcelles agroforestrières: David Caillet-Bois, Agridea, tél. 021 610 44 96, david.caillet-bois@agridea.ch Voici une très brève sélection de publications et de sites internet sur l’agroforesterie.
Publications
- Agroforesterie. Des arbres et des cultures, Christian Dupraz et Fabien Liagre, Edition France agricole, 2008. Cet ouvrage est considéré comme la bible de l’agroforesterie par de nombreux praticiens.
- Rapport ART 725. Agroforesterie moderne en Suisse. Vergers novateurs: productivité et rentabilité, Alexandra Kaeser, Firesenai Sereke, Dunja Dux, Felix Herzog, juillet 2010.
- Rapport ART 736. Prestation environnementale de l’agroforesterie, Alexandra Kaeser, Joao Palma, Firesenai Sereke, Felix Herzog, février 2011.
Sites internet
- www.agroforesterie.fr est le site de l’Association française d’agroforesterie, basée à Montpellier.
- www.agroforst.ch, le site de la Communauté d’intérêt agroforesterie, en français aussi; un projet financé par l’OFAG, le Fonds suisse pour le paysage et la Fondation Ernst Göhner.
- www.swissagroforestry.com un site créé par Alain Vulliamy (lire ci-contre) pour compenser le manque d’informations, avec une liste fournie de sites.
PAC, 20 juin 2014
|